Marie Maurel de Maillé règle ses comptes au naturalisme. Elle accorde une universalité à ses photographies en les intégrant dans diverses réalités ( La Roumanie, la Normandie, le portrait, etc.). Dans ses travaux, la photographe et ses modèles ne sont ni plaies ni couteaux, ni victimes ni bourreaux. L’érotisme rampe là où les jeunes femmes cultivent une tristesse attirante et une douce absence. La créatrice ne les « utilise » ni comme repoussoir ni comme objet du désir. Elle ne les psychologise pas non plus.
Demeure certes une volonté d’esthétisation. Face à l’inconscient qui n’est souvent qu’une surface et à l’apparence qui n’est qu’une peau, la photographie plonge sur des gouffres et des énigmes qui interpellent. Preuve qu’elle est toujours plus complexe qu’il n ’y paraît. Elle bouge les lignes de la représentation et celles de nos images mentales. « Par la photographie la viande ne se perd pas » dit Artur Danto : sa carapace non plus. Elle devient l’indice et le symbole d’un rapprochement de diverses cultures et influences.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Ma fille.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Des rêves d’enfants.
A quoi avez-vous renoncé ?
À une carrière politique.
D’où venez-vous ?
De Lyon, dont Stendhal disait que cette ville n’était pas propice à la création.
Qu’avez-vous reçu en dot ?
La ritournelle, les calembours et les bons mots.
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Les carottes crues.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes ?
3 grains de beauté parfaitement alignés sur l’épaule droite.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
Une photographie de ma mère enfant chez mes grands-parents, j’ai longtemps pensé qu’il s’agissait de moi.
Et votre première lecture ?
« Prolégomènes à toute métaphysique future qui pourra se présenter comme science. » Kant.
Pourquoi votre attirance pour la photo qui “renverse” les apparences tout en cultivant un certain réalisme ?
Sans doute parce que comme tout artiste, je vis dans un monde renversé.
Quelles musiques écoutez-vous ?
Schubert et PJ Harvey
Quel est le livre que vous aimez relire ?
Les lettres à Nora de Joyce.
Quel film vous fait pleurer ?
Presque tous, mais celui où je pleure de rire : “The Party” avec Peter Sellers, la scène du dîner.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Ça dépend de l’heure à laquelle je me regarde, j’ai beaucoup de facettes.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
La seule fois où j’ai écrit à un artiste, je l’ai épousé. Donc maintenant, je n’ose plus !
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Le Trucq.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Flannery O’connor, Robert Walser, Robert Bresson, David Lynch, Eric Rondepierre, Geneviève Cadieux.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Du champagne, des pivoines et 5 ou 6 diamants sur canapé.
Que défendez-vous ?
Les renards.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Que Jacques n’était pas aimé.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
La réponse est oui.
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Oubliez cela.
Présentation et entretien réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 1er février 2016.