Les premiers mouvements féministes de l’Histoire de France
La Commune de Paris, une période d’à peine trois mois, est devenue le symbole des révolutions socialistes. Wilfrid Lupano évoque cette courte époque à travers le parcours de trois héroïnes, à trois époques différentes. L’intrigue des Éléphants rouges se déroule pendant le siège de Paris par les Prussiens, lors de l’hiver 1870, L’Aristocrate fantôme décrit la création, au printemps 1871, du mouvement de l’Union des femmes pour la défense de Paris et l’aide aux blessés. Le troisième volet, à paraître bientôt, se situe pendant “La semaine sanglante”, qui signe la fin de la Commune.
Pendant l’hiver 1870, les Parisiens assiégés subissent le froid et la faim. Pour défendre la ville, des femmes veulent constituer les bataillons des Amazones de la Seine. La mère de Victorine, une couturière sans travail, bien que séduite par l’idée d’un tel engagement pour l’égalité des sexes, voit aussi l’opportunité d’une rémunération même si elle est faible. Sa fille, de onze ans, se passionne pour Castor et Pollux, les deux éléphants du Jardin des plantes. Elle négocie, avec le gardien qui a de nouvelles tâches à accomplir, une faible rétribution pour s’occuper des deux bêtes. Les bataillons ne voient pas le jour, le président du Gouvernement de Défense nationale s’y oppose. Tout à sa passion pour les pachydermes, Victorine veut devenir La Dame aux éléphants et élabore un plan de libération de Paris inspiré par les exploits d’Hannibal. Mais une petite fille livrée à elle-même dans un mode d’adultes…
L’Aristocrate fantôme débute à Londres en avril 1871. Engels et Marx attendent des nouvelles de leur “Russian Lady”, l’informatrice qu’ils ont envoyée à Paris pour tout connaître de la Commune. Dans la ville assiégée par les troupes de Thiers, la comtesse Elisabeth Dmitrieff, introduite vers des responsables par une lettre de Marx, a pris la présidence de l’Union des femmes pour la défense de Paris et mène des actions qui effraient, voire choquent. Son caractère trempé lui donne accès aux sphères dirigeantes de la Commune où elle négocie âprement de nouveaux statuts pour les femmes. Elle réussit à obtenir l’autorisation de réquisitionner deux ateliers pour les faire fonctionner en coopérative par les ouvrières. Elle met sur pied des bataillons qui iront au combat.
La Commune de Paris représente une parenthèse dans l’Histoire et un des premiers soulèvements du peuple basé sur des dogmes socialistes. Avec ces portraits de femmes, le scénariste raconte la lutte menée pour conquérir des droits auxquels elles aspiraient quel que soit leur statut social. C’est ainsi que montèrent aux barricades des ouvrières, des prostituées, des bourgeoises françaises et étrangères, anonymes dans leur écrasante majorité, célèbres comme la figure emblématique de Louise Michel.
Wilfrid Lupano retrace bien les réticences, les freins, les oppositions même au sein de la population féminine pour cette évolution. Les théoriciens de la révolution sociale laissaient de côté les femmes, restant attachés à des idées rétrogrades, « petit-bourgeoises ». Ainsi, Pierre-Joseph Proudhon avait des discours de cette teneur : “Une femme ne peut plus faire d’enfants quand son esprit, son imagination et son cœur se préoccupent des choses de la politique, de la société, de la littérature.” ou “Elle (la femme) est incapable de soutenir la tension cérébrale de l’homme.“
Le graphisme des Éléphants rouges a été confié à Lucy Mazel et celui de L’Aristocrate fantôme à Anthony Jean. Chacun, avec leur style propre, offre des mises en images de grande qualité, des vignettes précises, fouillées, dynamique et attractives. Cette série se révèle passionnante. Sans être une bande dessinée historique, elle éclaire une des luttes menées par les femmes pour participer aux décisions qui trop souvent les touchent directement sans qu’elles aient leur mot à dire.
Ces deux premiers tomes de Communardes ! font attendre le troisième volet avec impatience.
serge perraud
Wilfrid Lupano (scénarii), Lucy Mazel (dessin et couleurs) & Anthony Jean (dessin et couleurs), Communardes !,
- Les Éléphants rouges et
- L’Aristocrate fantôme,
Vents d’Ouest, septembre 2015, 56 p. – 14,50 € l’album.