Entretien avec Frederic Fromenty (Bouquiniste S-F)

Partons à la décou­verte d’un bou­qui­niste pas­sionné, un peu funam­bule, qui nous ouvre les portes des Lit­té­ra­tures de l’Imaginaire. Prêts ? Embarquez !

Frédé­ric Fro­menty, dit “Fred” pour les amis, est un jeune homme à l’esprit vif qui a choisi la vie au grand air pour réa­li­ser son rêve. Pas­sionné par les récits de science-fiction, il tra­vaille tous les week-ends, brave le froid, la pluie et le vent pour le plus grand bon­heur des adeptes de livres épui­sés ou rares et de ceux qui aiment les ouvrages de seconde main à petit prix. Il est vite devenu un incon­tour­nable du mar­ché aux livres du Parc Bras­sens de Paris. On le recon­naît faci­le­ment à sa sil­houette frêle de rou­quin, sa camion­nette bario­lée et sa gouaille ! Il livre, en exclu­si­vité pour les lec­teurs de lelitteraire.com, une petite inter­view aty­pique autour d’une tasse de thé.

Bon­jour Fré­dé­ric. Peux-tu, en quelques mots, te pré­sen­ter et nous par­ler un peu de ton par­cours ?
Fré­dé­ric Fro­menty :
Dif­fi­cile de répondre à ce genre de ques­tions ! D’habitude on décline son état civil (sou­rire). Alors : Fré­dé­ric Fro­menty, 30 ans, né en Haute-Savoie. J’ai un par­cours plu­tôt aty­pique et des expé­riences hété­ro­clites. J’ai quitté le lycée à 20 ans, pour faire trois ans d’Histoire à Lyon sans aucun suc­cès. Puis, j’ai été bidasse pen­dant dix mois avant de tra­vailler suc­ces­si­ve­ment comme agent de net­toyage, manu­ten­tion­naire dans diverses grandes sur­faces et com­pa­gnies de trans­port, conduc­teur de véhi­cules de loca­tion, auxi­liaire de vie auprès de per­sonnes âgées, archi­viste au siège social d’une banque et enfin libraire à la librai­rie Arthaud de Gre­noble. Après tout ça, je me suis dit que ce serait pas mal de recom­men­cer à zéro et j’ai repris un cur­sus d’Histoire. Cette fois la réus­site était au rendez-vous et après le DEUG, j’ai inté­gré l’IUP métier du livre de Gre­noble pour la pre­mière année, pré­fé­rant Paris pour la seconde. Et j’ai décidé que cela suf­fi­sait pour réa­li­ser mon rêve de tou­jours : tra­vailler dans les livres.

Et que fais-tu main­te­nant ?
Je suis libraire, tra­vaillant plus sou­vent le livre d’occasion que le livre neuf mais uni­que­ment pour des rai­sons finan­cières. Mes thèmes de pré­di­lec­tion sont ceux de la lit­té­ra­ture que l’on peut qua­li­fier d’imaginative : science-fiction, fan­tas­tique, contes, légendes, mytho­lo­gie. Il faut rajou­ter un peu de romans poli­ciers, des BD et des comics, ainsi que des revues en rap­port avec les thèmes que j’ai déjà cités. Ah ! Un détail qui a son impor­tance : je n’ai pas de bou­tique, puisque la librai­rie est ambu­lante. Je m’installe sur les mar­chés, les salons ou les bro­cantes selon les sai­sons, les oppor­tu­ni­tés et les envies.


Mon bô camion, roi des marchés…

Jus­te­ment, qu’est-ce qui t’a donné envie de tra­vailler dans les livres ? 
L’envie, je dirais que je suis presque né avec, puisque depuis l’âge de six ans je fais par­tie des “dévo­reurs” de livres : ceux qui ne peuvent pas­ser deux jours sans avoir fini un livre. Je me savais des­tiné à un métier en rap­port avec cet objet fas­ci­nant mais l’idée de la librai­rie elle-même n’a vrai­ment germé dans ma tête qu’en 1999. Le déclen­cheur a été la femme qui par­tage ma vie. Elle m’a fait réa­li­ser que je ne serais vrai­ment heu­reux qu’en fai­sant le métier qui me plaît. Or je lis de la science-fiction et de la Fan­tasy depuis que je sais lire, enfin presque ! L’association des deux s’est faite automatiquement.

Com­ment on fait pour sau­ter le pas ? 
À tout bien y réflé­chir, ce genre d’activité ne se décide pas du jour au len­de­main. Ça demande de la per­sé­vé­rance et de la téna­cité. Un pro­jet dans ce genre se nour­rit et se réflé­chit mûre­ment. Dans mon cas, entre le moment où j’ai envi­sagé de faire cette librai­rie et la créa­tion effec­tive de l’entreprise, il s’est écoulé six ans. Beau­coup de choses ont changé entre l’esquisse ini­tiale et la réa­li­sa­tion concrète. Il a fal­lut être ouvert d’esprit et se heur­ter à la dure réa­lité des choses : per­sonne ne croit vrai­ment à ce que vous faites, per­sonne ne vous aidera réel­le­ment sauf les per­sonnes très proches. Même les col­lègues met­taient en doute la via­bi­lité de l’entreprise. Il a fallu convaincre, ras­sem­bler les éner­gies, faire d’un fais­ceau d’idées une stra­té­gie sur plu­sieurs années. Comme je n’avais pas de for­tune per­son­nelle pour mon­ter une librai­rie dans des murs, j’ai réuni des capi­taux afin d’acheter une camion­nette, un para­sol de mar­ché, et quelques cen­taines de livres d’occasion. Puis j’ai com­mencé à faire le tour des bro­cantes et vide-greniers de la région pari­sienne. Cela a duré six mois au bout des­quels la librai­rie iti­né­rante Omer­veilles est née.

Et tu vends de quoi, com­ment et quand ? 
Des livres ! Tou­jours des livres ! Par­fois je ne les sup­porte plus tel­le­ment il y en a chez moi. Blague à part, je vends sur­tout des livres d’occasion, c’est-à-dire qui sont déjà pas­sés par la case librai­rie et la case client. Ce sont sur­tout des par­ti­cu­liers qui me les amènent mais je tra­vaille aussi avec des col­lègues pour ren­trer des grosses quan­ti­tés. Ce n’est pas tous les jours que des col­lec­tion­neurs viennent se déles­ter. Les ventes se font en direct lorsque je monte le stand sur le mar­ché au livre du Parc Bras­sens (Paris 15e), les same­dis et dimanches. Mais aussi sur Inter­net qui est devenu un outil indis­pen­sable et un espace de vente incon­tour­nable. En plus du site de la librai­rie, trois autres sites mar­chands accueillent les livres que j’ai en stock : priceminister.com,
livre-rare-book.com et chapitre.com.


Des livres, des livres, et encore des livres…

Pour­quoi ce sec­teur spé­ci­fi­que­ment ? 
Pour­quoi l’occasion ? Eh bien parce que l’achat de livres de seconde main néces­site moins d’argent que les livres neufs, tout sim­ple­ment et il n’est pas obli­ga­toire d’avoir une bou­tique. Quant au choix de la SF et du fan­tas­tique, ce sont des domaines très vastes, qui sont de plus en plus pré­sents dans notre actua­lité cultu­relle par l’intermédiaire des films et de la télé­vi­sion. Il suf­fit de voir les grosses pro­duc­tions de ces der­nières années (Harry Pot­ter, Le sei­gneur des anneaux, Spi­der­man…) Le public me semble mûr pour ce type de lit­té­ra­ture qui le sort de son quo­ti­dien trop terre à terre ou qui répond depuis long­temps aux ques­tions d’avenir que tout le monde se pose (l’environnement, le déve­lop­pe­ment tech­no­lo­gique, le voyage spa­tial…). Bref, à l’heure de la télé-réalité tra­fi­quée, je fais le pari du rêve, de la magie et du mystère.

À terme, tu espères aller où ? Ouvrir ta propre librai­rie en dur ?
L’objectif un peu fou de ce pro­jet est d’ouvrir une grande librai­rie qui pro­po­se­rait des livres neufs et d’occasion, ainsi que des pro­duits déri­vés. J’aimerais la créer sur Gre­noble, qui est une ville où j’ai envie de vivre. Mais de nom­breux cri­tères rentrent en ligne de compte pour que ce rêve encore loin­tain devienne réa­lité. La pas­sion et les livres ne suf­fi­ront pas, il faut aussi de l’argent et on ne trouve pas les sommes néces­saires à la créa­tion d’une librai­rie aussi faci­le­ment que ça. Il y a donc encore beau­coup de tra­vail en perspective.

Soyons fous ! Tu fais des remises pour les clients qui viennent de la part du Lit­té­raire ?
Bien sûr ! Mais il faut dire que je fais sou­vent des remises quand on me le demande. La clien­tèle du livre d’occasion aime dis­cu­ter les prix.

Ques­tion bonus : si tu avais dû tra­vailler dans un autre domaine, tu aurais fait quoi ?
Biblio­thé­caire, bien sûr !!!

Pour le ren­con­trer :
Tous les same­dis et dimanches, au Parc Bras­sens de 9h à 18h et lors de dif­fé­rents salons et foires du Livre dans toute la France.
Ren­sei­gne­ments sur le site Omer­veilles ou auprès de l’intéressé.

 


L’antre mer­veilleux, tout de toile tendu.

   
 

Pro­pos recueillis par ana­bel delage  le 10 jan­vier 2005.

 
     
 

4 Comments

Filed under Entretiens, Espaces ouverts, Science-fiction/ Fantastique etc.

4 Responses to Entretien avec Frederic Fromenty (Bouquiniste S-F)

  1. Revelin michel

    bon­jour,
    pou­vez vous me dire où en est Fré­dé­ric Fro­menty de son pro­jet Grenoblois

  2. Frédéric

    Il suf­fit d’aller sur le site omerveilles.com pour voir qu’il a ouvert un com­merce, puis un second dans la région gre­no­bloise. ;)

  3. lacaille

    http://libraireendordogne.bloguez.com

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