Les portraits de Faustine Levin possèdent une force franche, immédiate et profonde. Une dynamique sourde reste omniprésente. L’artiste ne cherche pas à rendre la photo « intelligente » : elle veut lui donner une émotion à travers la beauté comme la « laideur », ce qui n’empêche pas un certain contrôle capable de suggérer la vie sous toutes ses formes et tous ses âges.
Quoique jeune, la plasticienne fait preuve d’une grande maturité. L’attention à l’autre traverse les photographies. Quand le feu de l’intensité monte, Faustine Levin est toujours prête à la saisir. D’où le surgissement d’œuvres passionnées, instinctives, physiques. Nul ne sait si par son œuvre l’artsite domine sa vie intérieure mais il est sûr qu’elle l’anime au plus haut point.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Le matin justement. Ce tout début de journée où tout peut encore se transformer, l’idée que tout un déroulement prévu peut changer avant le crépuscule me fascine. J’aime les éternels recommencements non dénués d’inattendu.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Pour le plaisir de citer Beckett, je dirais : « quelque chose suit son cours ». Mes rêves d’enfants sont bien là, vifs et forts ; ils me portent vers mes passions. Ils sont à la base de tous mes cheminements..
A quoi avez-vous renoncé ?
J’ai renoncé à rentrer dans un moule, j’ai renoncé à nier ma pudeur et ma timidité de montrer mon travail, en somme j’ai renoncé à tenter d’être ce que je ne suis pas, et ce qui ne me paraît pas intègre.
D’où venez-vous ?
Je suis née à Paris, et j’ai grandi en Seine et Marne. Je viens de la ville et de la campagne. Du calme et de la tempête.
Qu’avez-vous reçu en dot ?
Je ne suis pas mariée. Mais s’il faut le prendre au sens large, je dirais que c’est le goût de la liberté.
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Le rouge à lèvres rouge.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes ?
Mon regard, j’imagine. Qui est forcément unique car dû aux vingt-trois années de vie que je viens de mener et qui ne sont que ma propre expérience.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
À dire vrai, ce sont en premier lieu des vidéos de mariages, de naissances ect Ces captures de moments emprunts d’émotions de la vraie vie où je trouvais tout le monde beau dans son propre rôle. Mais sinon une photo de Lucien Clergue d’une femme sous une persienne, son corps nu recouvert d’ombres et ce, avec un noir et blanc à tomber. Ça m’a fait une sensation très forte.
Et votre première lecture ?
Deux m’ont beaucoup marquée : « Mon bel oranger » de José Mauro Vasconcelos et « Un sac de billes » de Joseph Joffo. Deux histoires différentes mais liés par des enfants étant devenus adultes très vite mais n’ayant rien perdu de leur candeur.
Pourquoi votre attirances pour le portrait ?
J’aime les gens. J’aime les visages, et les histoires qui se dessinent dessus. J’aime le bizarre, l’atypique, les aspérités. J’aime le sombre et la lumière. J’aime ce qui est éclectique mais viscéral. Quoi de mieux que des gueules pour regrouper tout ça ?
Quelles musiques écoutez-vous ?
Je suis une inconditionnelle de Barbara. J’écoute beaucoup de rap, ça me stimule. CocoRosie pour m’inspirer. Du Groundation ou l’album Pirate’s Gospel d’Alena Diane pour travailler ou me détendre. Et en ce moment particulièrement un groupe qui s’appelle « Pockey Lafarge ».
Quel est le livre que vous aimez relire ?
“Une saison en enfer” d’Arthur Rimbaud, inlassablement.
Quel film vous fait pleurer ?
Le documentaire « San Clemente » de Raymond Depardon. Et en fiction, une vraie madeleine de Proust pour moi, « Un long dimanche de fiançailles » de Jean Pierre Jeunet.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Une tristesse qui se transforme en fougue.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
À Raymond Depardon. Aux rédacteurs de magazine que j’aime. Enfin, à tout les gens qui m’impressionnent en somme.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Un endroit imaginaire dans ma tête où je me réfugie pour me relaxer. Une mer du nord, surplombée de falaises à l’herbe rousse.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Denis Lavant & Yolande Moreau sont des comédiens qui me prennent aux tripes, dont le jeu me perce. Je vis accompagnée de petites phrases de Jean Luc Lagarce dans ma poche. Je me prélasse dans du Philippe Murray.
D’images et d’histoires, j’aime Wim Wenders, Gus Van Sant, Leos Carax, Harry Gruyaert, Henri Rousseau, Françoise Huguier…
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Un camion où je monterais mon studio et une chambre noire, pour voyager. Et mon permis de conduire aussi du coup.
Que défendez-vous ?
L’intégrité et la viscéralité. Le « laid » et le silence.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Elle m’inspire que mon métier ne passe que par l’Amour de l’autre. Il faut savoir l’amener sans en avoir l’air cet Amour vrai, sans que ce quelqu’un ne sente rien d’autre qu’un peu de chaleur et de bienveillance.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
OUI.
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Quels sont vos rêves d’adultes ?
Présentation et entretien réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 10 décembre 2015.
Ma cherie.jsuis trop fiere de toi.tu es extraordinaire.de tout coeur avec toi.vas y fonce.bisous