Sarah Battaglia et les boîtes de Pandore: entretien avec l’artiste

Entre le noc­turne et le diurne, Sarah Bat­ta­glia pénètre la pro­fon­deur de vue par ses des­sins où le dehors fait le jeu du dedans. Ce qui semble mor­bide est facé­tieux. L’inverse est vrai aussi, à l’image de sa pha­lène aux poten­tiels symé­triques. Le des­sin devient une phi­lo­so­phie ins­tinc­tive. L’angoisse règne mais le plai­sir n’en est jamais éloi­gné, d’autant que la créa­trice évite tout pathos.
La coque du sca­ra­bée humain éclate et l’humaine pha­lène se brûle à la lumière. Une mélan­co­lie devient le pur sodium d’un crane obèse : en a-t-il fini avec les larmes bien trem­pées ? Rien n’est sûr là où des ailes plus que des stèles s’ébrouent entre le noir et le blanc.

- 2015, “L’oeil de la pha­lène”, du 3 novembre au 11 décembre – Cité des Arts – Chambéry

- 2016, Les Noeuds du som­meil, du 22 jan­vier au 27 mars –Arto­thèque, biblio­thèque Bon­lieu, Annecy

Entre­tien :

Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Le des­sin à venir, le goût du thé et des visages fami­liers, et le dia­logue avec l’incommunicable.

Que sont deve­nus vos rêves d’enfant ?
Je me voyais soit en blouse blanche de scien­ti­fique, soit en train de des­si­ner :  plas­ti­cienne, c’est fina­le­ment faire des expé­riences pour com­prendre des idées et de la matière.

A quoi avez-vous renoncé ?
A cette question.

D’où venez-vous ?
Un peu d’ici — Annecy– et aussi de Sicile, du côté paternel.

Qu’avez-vous reçu en dot ?
Qu’il ne fal­lait pas trop se prendre au sérieux.

Un petit plai­sir — quo­ti­dien ou non ?
Aimer. Un grand plai­sir quo­ti­dien ou non.

Qu’est-ce qui vous dis­tingue des autres artistes ?
Mes faux airs candides.

Quelle est la pre­mière image qui vous inter­pella ?
Les por­traits cubistes de Picasso, un exer­cice en pri­maire qui m’a beau­coup plu et étonnée

Et votre pre­mière lec­ture ?
J’aimais lire sans le savoir, la lit­té­ra­ture est arri­vée un peu tar­di­ve­ment. Au lycée, j’avais été fas­ci­née par les contes et légendes de la mytho­lo­gie grecque.

Pour­quoi votre atti­rance vers le des­sin ? Et vers les “vani­tés”?
Le des­sin est une écri­ture, un bas­cu­le­ment vers la page blanche qui tra­duit des figures au lieu des signes. C’est un moment qui occupe la tête et les mains et per­met aussi de se cana­li­ser, de se concen­trer.
Les Vani­tés mettent en valeur le crâne, comme voûte de la pen­sée, lieu de lan­gage, mais aussi une sorte de boîte de Pan­dore, un objet bien connu et iden­ti­fié dans l’histoire de l’art qui recèle beau­coup d’étrangeté mal­gré toute l’imagerie médi­cale dont nous dis­po­sons.
Plus lar­ge­ment, je voue une grande admi­ra­tion aux os, c’est la par­tie la plus pérenne de nos corps si fra­giles, la plus minérale.

Quelles musiques écoutez-vous ?
Des filles enra­gées, poé­tiques et fémi­nistes en majo­rité, mais aussi des pièces intem­po­relles comme le Sacre du Prin­temps de Stra­vinsky. Mes goûts musi­caux sont vrai­ment éclectiques.

Quel est le livre que vous aimez relire ?
Plein. « L’Amant » de Duras, « L’art de la Joie » de Goliarda Sapienza, entre autres. Je lis énor­mé­ment, et relis souvent

Quel film vous fait pleu­rer ?
« The Hours ».

Quand vous vous regar­dez dans un miroir qui voyez-vous ?
Une bonne vivante bienveillante.

A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
A Cécile Rheims, qui est tou­jours parmi nous.

Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Trou­ville, les plages devant les Roches Noires, qui ont mar­qué plu­sieurs livres duras­siens jus­te­ment. Je n’y suis pas encore allée.

Quels sont les artistes et écri­vains dont vous vous sen­tez le plus proche ?
Ber­linde de Bruy­ckere, Louise Bour­geois, Hans Bell­mer, Fred Deux, Goliarda Sapienza, Inge­borg Bach­mann, Ale­jan­dra Pizar­nik, entre autres.

Qu’aimeriez-vous rece­voir pour votre anni­ver­saire ?
Des choses simples, un livre.

Que défendez-vous ?
Le devoir et l’accès à toutes les connaissances.

Que vous ins­pire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est don­ner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Ce n’est pas comme ça que com­mence chaque vie ? On ne pos­sède pas sa vie, elle nous tra­verse, comme l’amour, c’est tout, mais ce n’est pas du vent

Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la ques­tion ?“
“Tu te fous de ma gueule ?! »

Quelle ques­tion ai-je oublié de vous poser ?
Pour­quoi est-ce dif­fi­cile de par­ler de soi?

Pré­sen­ta­tion et entre­tien réa­li­sés par  jean-paul gavard-perret pour leliteraire.com, le 14 novembre 2015.

 

 

Leave a Comment

Filed under Arts croisés / L'Oeil du litteraire.com, Entretiens

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>