Avec Sept nains, Wilfrid Lupano reprend, bien sûr, les éléments du célèbre conte et les traite d’une façon bien particulière. En effet, s’il met en scène une jeune fille prénommée Blanche, une reine acariâtre préoccupée par sa beauté, des nains, un chasseur, un prétendant, ceux-ci ne jouent pas la partition initiale. Avec beaucoup d’humour, avec un sens du décalage, du déphasage, du second degré, il concocte une histoire construite avec une grande rigueur. Il se permet d’apporter des explications rationnelles à des situations magiques du conte et des prolongements restés ignorés.
Les nains ne sont nommés à aucun moment, mais leurs attitudes, leurs défauts les identifient facilement. Il fait de la jeune princesse un personnage bien différent de celui de Charles Perrault et offre une chute délicieuse, même si elle semble immorale au regard des concepts du conte.
C’est l’anniversaire de Blanche, la fille du roi, fille illégitime selon la reine. Les sept bouffons, bien qu’ils n’aiment pas cette peste de douze ans, assurent la fête. Mais un bon mot vexe la reine qui exige leurs têtes. Le roi temporise et les condamne au bannissement. Alors qu’ils sont jetés dehors, un serviteur vient discrètement, de la part du roi, leur fixer un rendez-vous avec lui le soir même. Mais, les nains se trompent d’auberge.
Six ans plus tard, ils sont découragés, la mine qu’ils exploitent ne rapporte rien. Ils ressassent leur malheur. Le roi a disparu le soir du drame. L’évocation de la reine déclenche la colère d’un des nains qui frappe violemment la paroi et ouvre une brèche sur un souterrain qui conduit au cœur du château. Ils ont accès, dans ce dédale oublié de tous, à l’ensemble du domaine. Ils pensent alors à la salle du trésor. Riches, ils pourraient mener une autre vie. Mais, la richesse se gagne difficilement…
C’est Jérôme Lereculey qui a réalisé le storyboard du scénario, confiant la mise en œuvre du dessin à Roberto Ali. Une mise en page dynamique, des personnages semi-réalistes, des décors réussis donnent au graphisme une qualité de premier ordre, rehaussée par la mise en couleurs de Lou. Sept nains ouvre la troisième saison de cette série concept. Il sera suivi, selon le plan de travail, dès 2016 par Sept frères, Sept mages, Sept héros, Sept cannibales, Sept athlètes, et Sept macchabées.
Cette saison annonce de bien bons moments en perspective s’ils sont du même niveau que le présent album.
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serge perraud
Wilfrid Lupano (scénario), Jérôme Lereculey (storyboard) & Roberto Ali (dessin) Lou (couleur), Sept nains, Delcourt, coll. “Conquistador”, septembre 2015, 64 p. – 15,50 €.