Fabienne Radi remonte l’enfance des arts. Elle leur fait des tresses sans pour autant qu’ils ressemblent à des petites filles modèles. Bien au contraire. Son livre est un recueil de ses chroniques pour le Mamco de Genève. Elle y lave le cerveau de ces stéréotypes. Leur virginité en prend un sacré coup dans un viol sémiotique : il prend le lecteur de vitesse. C’est un régal, c’est jouissif. Chez elle, les oxymores deviennent ce que le mot induit : des pléonasmes. Les westerns si ternes deviennent encore plus bidons. Fabienne Radi y rappellent que « les gentils Indiens ont des tresses attachées par de jolis brins de laine colorés tandis que les méchants Indiens ont des tignasses qui n’ont jamais vu l’ombre d’une dent de peigne et sont retenues tant bien que mal par un bandeau façon Geronimo immortalisé par Edward S. Curtis ».
Tout est du même tonneau. Quant à Sissi, elle retrouve ses facettes déjantées. Elle n’est plus seulement la cadette des Wittelsbach ou une Romy Schneider poupette poupine. La duchesse de Bavière bave et la reine de Hongrie grille. Bref, Fabienne Radi passe les pellicules (cinématographiques) à un Head&Shoulders intellectuel. Du bord du lac intitulé faussement « de Genève », l’artiste met du sel là où il n’y a que sucre, et y n’est pas jusqu’à Laura Ingalls à claquer la porte de l’école de « La petite maison dans la prairie ». Hollywood n’est plus ici. Radi ne le bovarise pas, elle – si l’on peut se permettre – le sodomise ou au moins le shampooine. Finies les pâtisseries architecturales made in Universal. Pour ce faire, la créatrice remet au besoin une couche de crème pour qu’elles soient encore plus insipides.
Chaque texte, par ses rapprochements, crée des mises en abyme. Jack l’Eventreur, Brian De Palma, James Ellroy voire Carson Mac Cullers en prennent pour leur grade. Et Errol Flynn dérive à vue basse sur son trois-mâts. Il devient un mari pataud dont le mariage va à vau-l’eau. Il est plus un Fifi Brindacier qu’héros acidulé. Fabienne Radi rend ainsi le voyeur moins gogo et le gogo moins voyeur. Elle assèche les lacs des signes où ils se noient. Les jeunes baigneuses de Venice (L.A.), dans le plus simple appareil, n’ont plus qu’à aller se rhabiller. Les cygnes blancs sont remplacés des signes noirs.
Fabienne Radi est donc le vilain petit canard qui jusque là manquait à la sémiologie. C’est un volatile rare au physique et à la métaphysique adéquates.
jean-paul gavard-perret
Fabienne Radi, Oh là Mon Dieu, Editions art&fiction éditions, coll. SushLarry, Lausanne, 2015, 92 p.