Carnet(s) du lac suppose l’éphémère autant que la durée. Ariane Epars n’est pas dans la sensorialité pure et encore moins dans le rationnel. Elle n’est pas non plus dans une superposition des deux. Elle se situe dans l’entre-deux qui sépare, au sein du temps, deux images de même nature. Un tel travail n’est ni tranquille, ni inquiet, ni arrêté ni mobile. Pendant une année à Cully, où elle vit, l’artiste a décrit chaque jour le paysage visible de sa fenêtre. Peu à peu, l’identité du lieu prend corps par la succession des images instantanées.
Cette approche possède le mérite d’apaiser et d’interroger sans édulcorer l’existence en ses creux. Le tout dans un développement d’harmoniques. L’intimité avec l’invisible suffit. Il reste inséparable d’une pré-visibilité pas encore formulée et d’une ressemblance que nous ignorons toujours. Il ne faut pas y chercher l’ailleurs mais l’ici-même, dans l’ascèse et le recueillement.
L’œuvre s’éloigne autant du luxe de pacotille que de la réserve de l’avarice. Elle s’avance nue, dépouillée, libre, chargée du seul désir de vie sans la moindre certitude sur ce qu’elle rameute. Elle fait reculer le chant des certitudes et met une grâce dans les pesanteurs. Il y a là un phénomène indiciaire aussi subtil qu’étrange et qui tient lieu de trouble. Il ne signifie pas simplement : il annonce quelque chose qui se manifeste par quelque chose qui tient lieu de troublante curiosité.
jean-paul gavard-perret
Ariane Epars, Carnet(s) du lac, Editions Héros Limite Genève, 2015.