Un texte dense au propos dérangeant et dont l’intrigue se noue uniquement par le jeu des dialogues
Où commence la connerie, la connardise, la connarderie d’autrui pour chacun de nous ?
Dans un petit restaurant qui sert des formules à 9,50 € le midi, c’est le coup de feu. S’y retrouvent deux employés de banque a priori amis de longue date, une femme et son fils qui viennent de faire des emplettes, un couple de jeunes Maghrébins sans grand appétit et Alice la serveuse qui court de table en table, aimable avec tous mais qui n’hésite pas à proposer un dessert peu appétissant aux clients désagréables.
Les tables sont proches les unes des autres et des bribes de conversations parviennent jusqu’aux oreilles plus ou moins attentives. Une phrase s’envole : “Tous les hommes qui sont ici sont des cochons” ; prononcée en langue arabe, traduite approximativement en français et sortie de son contexte, elle va faire l’objet de commentaires de la part des clients.
C’est à un moment de la vie quotidienne que nous assistons, dans ce restaurant transformé en scène de théâtre ; une comédie grinçante en quatre parties qui fonctionnent comme des actes avec changement de personnages et de point de vue. D’abord les deux amis Sébastien et Michel dont la bêtise immédiate et flagrante plombe un peu le début du roman. Puis Sophie et son fils Félix qui s’affrontent dans une sorte de joute philosophique, le jeune couple dont finalement on ne saura pas grand-chose et qui livrera la clé d’une bien pauvre énigme. Alice enfin, clôt cette chronique cruelle des préjugés ordinaires qui enveniment l’existence.
Valérie Dayre a publié une quinzaine de romans pour la jeunesse à L’École des loisirs, et L’atelier du poisson soluble propose depuis plus de quinze ans un catalogue plein d’albums audacieux. L’auteure et l’éditeur signent ici leur premier roman pour adultes, un texte dense au propos dérangeant et dont l’intrigue se noue uniquement par le jeu des dialogues.
patricia chatel
Valérie Dayre, Tous les hommes qui sont ici, L’atelier du poisson soluble, janvier 2006, 128 p. — 10,00 €. |
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