Les célébrations de Pierre Schroven
Pierre Schroven réinvente le haïku à sa main. Sous l’égide du peintre né à Liège Guillaume Cornelius van Beverloo, cofondateur de Cobra et qui prit pour nom celui de la corneille, le poète illumine l’espace et le temps selon une poétique qu’il définit ainsi : « Ce qui te porte loin sans regard / Se nourrit d’un geste / Qui ne demande qu’à grandir / Sous l’aile prémonitoire d’une corneille ». Chaque instant repris dans les poèmes grandit. Ceux-ci le rendent plus vivant, plus vaste. Des pointes lumineuses brûlent depuis le spectre de corail des mots.
Pierre Schroven une fois de plus redevient le poète des métamorphoses qui travaillent lu monde. Il en frôle le centre et sa perle inconnue. Se crée un va-et-vient d’arc-en-ciel sur le cristal du soir par l’ivresse des mots et leurs frissons. La femme y rayonne : après l’éclair de l’orgasme, la marée de sa présence perdure. La femme est étoile de mer et de ciel. Nul ne sait alors la couleur que prendra la lumière. Mais elle introduit le poète en soleil et « cette perte d’équilibre n’a pas de nom / Et s’abreuve de la merveille d’un geste ».
Le monde devient visible sous de nouvelles illuminations. Avec l’auteur, le lecteur y retourne en pèlerinage. Douves douces, envols des féeries couchées. Les mots remettent à vif ce qui resta si longtemps statique. Les feux verts de l’éther libèrent l’ordre des incantations païennes. Demeurent des moments délicieux à l’horloge sidérante du poème, à l’en-tête des nuées lorsque l’espace se dessine dans son lit. Il devient autel où les morceaux du temps ne sont pas sacrifiés mais exhaussés.
jean-paul gavard-perret
Pierre Schroven, Autour d’un corps vivant, L’arbre à paroles, Amay (Belgique), 2015, 98 p. — 12,00 €.