De la S.F. au romantisme (et vice-versa)
Sous des aspects gothiques et de science-fiction de fin de monde, les personnages de Jehanne de Champvallon sont des fleurs bleues qui espèrent encore le Prince Charmant et par delà une nature première à reconquérir. Quoique conditionnés, sclérosés certains zombies d’une nouvelle ère s’osent à la sensation, à l’émotion, bref à ce qu’une société nouvelle ne saurait suggérer. Le Prince charmant n’a donc pas disparu. A Toulon, dans son enfance, l’auteure l’attendait peut-être mais désormais, comme si de rien n’était, ses mots s’obstinent contre l’obscur en un certain romantisme. L’homme se rêve telle une force douce même lorsque tout s’est dissout dans le chaos des apocalypses. Le mâle (nouveau ?) semble venir d’un au-delà ou d’un en-deçà animal. Dire uniquement son corps, ce serait encore ne rien dire ou du moins pas en totalité.
Jehanne de Champvallon glisse ainsi sous la carapace des illusions tout en s’y abritant au besoin. D’où l’étrangeté de romans qu’il s’agirait de lire à deux pour tirer le fil du langage vers l’éclat du gémir au-delà du voile des paroles. De telles fictions forcent – que l’on soit romantique ou non – à mettre nos empreintes dans celles de personnages plus ou moins « indécents » (mais le mot est trop fort). Surgissent des prémices qui nous dégagent du rôle que fait jouer la société d’aujourd’hui ou de demain au profit d’une indécence.
Ce qui porte à une sorte d’étouffement heureux provoqué par une héroïne de la romancière. Celle-là semble soudain soumises aux remugles de scènes primitives à retrouver. L’auteure la délivre des rôles admis pour qu’elle se sente libre de s’affirmer au service d’aucune attente si ce n’est la sienne. Elle ose par la même un sentiment qui dépasse les manèges amoureux. Et quoique sous influence, elle reste l’oiseau qui s’envole au devant du fruit pour rester confusément mais sans cesse renaissante. C’est une manière de réenchanter la solitude et partager quelques gouttes de rosée dans des Metropolis que Jehanne de Champvallon fait arpenter.
jean-paul gavard-perret
Jehanne de Champvallon, X (1), X (2), Les presses du midi, 2015, Toulon.