Joe Haldeman, Pontesprit

Voilà un roman extrê­me­ment ori­gi­nal dans sa forme, où l’on trou­vera force gra­phiques et tableaux


La com­mu­ni­ca­tion à tra­vers l’espace, la peur qui naît de l’impossibilité de com­prendre l’Autre - celui qu’on nomme l’extraterrestre — la liai­son pos­sible avec l’étranger, l’espoir d’élargir notre champ de conscience… tels sont, entre autres, les thèmes de ce livre nourri de réfé­rences scien­ti­fiques. Un roman qui confirme une fois de plus l’immense ori­gi­na­lité du grand écri­vain de fic­tion Joe Hal­de­man.
Les Ter­riens, dans un futur proche, découvrent la pos­si­bi­lité de lire dans les pen­sées grâce — et c’est là toute l’inventivité de l’écrivain - à l’existence d’un petit ani­mal décou­vert sur une autre pla­nète, capable d’établir des liens psy­chiques entre deux êtres humains qui le touchent en même temps ! La mise au point du fameux pont de “Groom­bridge” via cette créa­ture extra­ter­restre est, sans conteste, l’un des points forts du roman. Mal­heu­reu­se­ment la liai­son demeure fra­gile, dan­ge­reuse. Elle semble pour­tant être le der­nier espoir d’une huma­nité mise en péril par des êtres mul­ti­formes mani­fes­te­ment pétris d’intentions meur­trières à son égard et qui ont déjà détruit les membres d’une expé­di­tion humaine.

L’humain se voit dépos­sédé de son apti­tude à maî­tri­ser seul son esprit, la nature, ou même l’univers. Comme dans cet autre roman - incon­tour­nable ! — La Guerre éter­nelle, Joe Hal­de­man dénonce l’anthropocentrisme réduc­teur et ses consé­quences iné­luc­tables : haine, orgueil, égo­cen­trisme effréné, et la peur, redou­table vec­teur d’incompréhension et de conflits… Cette concep­tion clas­sique qui place l’Homme au centre de l’univers est magis­tra­le­ment ren­voyée aux oubliettes. Les ten­ta­tives d’établir des liens avec les extra­ter­restres sont pra­ti­que­ment tou­jours vouées à l’échec, et c’est avec un humour par­fois très noir que l’auteur épingle cette volonté vaine, déses­pé­rée, d’établir des contacts avec l’Autre, de se com­prendre à tra­vers l’espace… Ainsi s’écroule la croyance en la sou­ve­rai­neté de l’esprit sur la matière et le temps.

Pontes­prit est un roman extrê­me­ment ori­gi­nal par sa forme (peut-être davan­tage que par son fond), au cours duquel l’auteur dresse à maintes reprises toutes sortes de dia­grammes, tableaux, gra­phiques, courbes sta­tis­tiques… qui, avec leur dimen­sion bur­lesque, appa­raissent comme autant de clins d’œil amers à la toute-puissance — mais éga­le­ment aux limites - de la techno-science. L’on découvre dans ce récit moult trou­vailles, par­fois far­fe­lues mais tou­jours ori­gi­nales. La science-fiction n’est-elle pas cette lit­té­ra­ture de l’imaginaire qui, sans rompre avec le réel, lui demeure en quelque sorte tan­gen­tielle ? Lit­té­ra­ture d’idées, aussi, qui, loin d’occulter la dimen­sion humaine, a tou­jours à voir avec la fini­tude qui carac­té­rise l’Homme et les quêtes de ce der­nier, éper­dues, par­fois téméraires…

patrick raveau

   
 

Joe Hal­de­man, Pon­tes­prit (tra­duit par Bruno Mar­tin), Gal­li­mard “Folio SF”, juin 2004, 296 p. — 6,00 €.

 
     
 

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