Geneviève Vidal, Vêtue de vent

La mar­cheuse au soleil

Discrète dans sa démarche, Gene­viève Vidal pour­suit une quête com­plexe. En un che­mi­ne­ment un et mul­tiple, rien n’est esquivé de ce qui étouffe comme de ce qui peut sor­tir de ses miasmes. En inci­dence mais plus que jamais, la femme y devient non le simple ave­nir du mâle mais de l’humanité. Elle est parole et lumière « où cha­cun se recon­naît / dénudé ». Elle pos­sède aussi un corps (« Sommes-nous autre chose que le corps » écrit-elle). Il est lui-même « graine » et la poé­tesse refuse l’ombre qu’on porte sur elle depuis le vieille légende d’Eve et d’Adam.
Le second a fait por­ter sur la pre­mière des taches de nais­sance  — du moins ce qu’on a voulu nous faire prendre pour telles tant cela fut simple et pra­tique pour nour­rir la puis­sance du mâle et le drame humain qu’il entre­tient. Gene­viève Vidal taille une crou­pière aux idées reçues. Là où tant de poètes ne font qu’enrober doci­le­ment ce qui gêne, elle met de la clarté sur le pré­tendu « soleil noir de la chute ». La femme qu’on veut Vénus devient Sophia bri­seuse de nuit. Ne refu­sant pas de « por­ter l’offrande / au ser­pent caché dans la grotte », elle l’affronte tout autant. A la fameuse for­mule « Mère voici ton fils » elle répond « Fils voici ta mère ». Mais le couple pri­mor­dial qu’elle appelle n’a rien d’incestueux. S’inscrit une autre vérité à venir contre ce qui dans l’histoire du monde et ses lit­té­ra­tures cultive le contre­sens sous pré­texte de le fle cher (ce qu’elle nomme le « cau­che­mar récur­rent de l’autoroute prise à l’envers »…).

Déchi­rant les « dou­blures », l’œuvre reste l’expérience vécue char­nel­le­ment mais aussi intel­li­gence. Elle tend vers un bleu par­ti­cu­lier qui n’est plus celui du ciel et des vierges. Il devient un bleu volon­tai­re­ment « pâli (…). Juste balance entre l’eau et la nuit », concepts qui ont servi à sym­bo­li­ser la femme pour mieux l’asservir. Entre le pro­saïsme du réel et les échap­pées oni­riques, Gene­viève Vidal reste d’ici-bas, d’ici même mais pas dans le simple désir de durer.
La mar­cheuse avance pour arra­cher des chaînes et « accor­der sa course au soleil ». Lequel n’est plus ici celui trop noir de la mélancolie.

jean-paul gavard-perret

Gene­viève Vidal,  Vêtue de vent, coll. Poé­sie XXI, Jacques André édi­teur, Lyon, 2014, 78 p - 12,00 €.

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