Le Soleil Noir (entretien entre François Di Dio &P. di Folco)

Le Soleil Noir dans la queue de comète du Surréalisme

Après avoir créé les « Presses du livre fran­çais » où il publia entre autres Jean Paul­han et Franz Kafka (illus­trés par Wols), mar­qué par l’exposition inter­na­tio­nale du sur­réa­lisme de 1947 (Maeght) et par sa ren­contre avec André Bre­ton, Fran­çois di Dio retient à la lec­ture d’ Arcane 17 une phrase d’Éliphas Lévi : « Osi­ris est un dieu noir, la parole énig­ma­tique que l’on jette à l’oreille de l’initié ». De cette phrase, il tire l’idée de créa­tion d’une col­lec­tion d’art et de lit­té­ra­ture : « Le Soleil noir ». Il y publie la « coda » et le gotha de la mou­vance sur­réa­liste dont des textes de Ghé­ra­sim illus­tré par Jacques Hérold, ceux de Jean-Pierre Duprey, Camille Bryen illus­trés par Jean Arp. Il édite aussi et sans dépôt légal (pour évi­ter la cen­sure) la Jus­tine de D.A.F. de Sade pré­fa­cée par Georges Bataille avec une gra­vure de Hans Bell­mer. Il publiera au total 156 livre sous la réfé­rence « Soleil noir » et presque autant comme éditeur-conseil (chez Pau­vert, Georges Falll, Chris­tian Bour­gois, José Corti entre autres).
Fran­çois di Dio est consi­déré comme un archi­tecte du livre. Il est reconnu pour ses maquettes comme pour ses choix lit­té­raire et artis­tiques. Il cultiva aussi le concept de « livre-objet » mul­tiple repris mais modi­fié suite aux expé­riences d’ouvrages à un seul exem­plaire de Georges Hugnet. « Le Soleil noir » a cessé offi­ciel­le­ment ses acti­vi­tés en avril 1983. Mais ces édi­tions res­tent un modèle. Elles ont fait l’objet de plu­sieurs expo­si­tions et l’éditrice Marie-Laure Dagoit après sa ren­contre avec Di Dio (via Claude Pélieu) fonde en 1995 les édi­tions Der­rière la salle de bains dont la phi­lo­so­phie reste proche de l’esprit de révolte, de liberté, de pro­vo­ca­tion propre au “Soleil Noir”.

L’édi­trice lui rend hom­mage en publiant les entre­tiens du créa­teur avec Phi­lippe di Folco. S’y découvre la face cachée et renou­ve­lée du Sur­réa­lisme. On voit com­ment, bien au-delà d’Eluard et de Bre­ton « l’école », tant en France qu’aux Etats-Unis, a eu dans les années 60, 70 plus que de beaux restes. Dans ce livre la trace, l’ombre du “Soleil Noir” s’agrandit et monte. Du métal pre­mier de la four­naise sur­réa­liste sur­gissent grâce à l’éditeur des incur­va­tions inat­ten­dues. L’encre s’y fait musique selon divers sys­tèmes de rup­tures. Preuve que le sur­réa­lisme vieillis­sant était sou­vent plus vivant que le pre­mier. D’autant que l’éditeur a su atteindre des corps lit­té­raires ou artis­tiques qui tou­chaient le corps en pro­fon­deur. Si bien que Bre­ton et ses émules semblent d’aimables dilet­tantes un rien roman­tiques.
Fran­çois Di Dio se livre ici tel qu’il est : hors ego, curieux et ouvert à tous les mondes ; por­teur de fleurs véné­neuses qu’il sut mettre en bou­quets. Cha­cun de ses livres reste chargé de grains char­nels où des furieux et des furies acti­vaient des fouets et des torches ardentes. En consé­quence, la queue de la comète sur­réa­liste revit d’un feu par­fait. Il crée des brû­lures dans le ventre des lec­teurs des deux sexes dont les livres de l’éditeur res­tent les cartes et ter­ri­toires vivants. Preuve que le “Soleil Noir” demeure une arme blanche. Elle ouvrit la nuit et ne cesse d’augmenter le monde en ouvrant l’écartement des jambes pour que l’âme y souffle ardem­ment — ce que les sur­réa­listes clas­siques avaient occulté. Chez ceux que Di Dio a défen­dus et mis en scène gicle la mor­sure à fond de sang et gran­dit la faim à coup de hanches. Et si elle quitte par­fois l’âpreté du corps, c’est pour rejoindre un ciel par­ti­cu­lier. Celui où brille ce fameux soleil noir plus ou moins mys­tique : il n’est pas celui de la mélan­co­lie mais de l’attente.

jean-paul gavard-perret

Le Soleil Noir (entre­tien entre Fran­çois Di Dio & P. di Folco), Edi­tions Der­rière la Salle de Bains, Rouen, 2014 - 20,00 €.

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