Dans ce livre de Noémie Parant, le vouloir des mots, c’est parler, parler haut et clair afin qu’elle soit entendue par le père qui, ici, continue de vivre en faisant confiance jusqu’au-delà de ce qui fut et aussi de son mieux dans le quotidien et la vacance de l’amante-héroïne qui le cherche encore avec passion.
Par la narratrice, existent, tirées de l’existence, phrases, propositions, questions, séduisants préludes a posteriori, délicates insertions de qualifications sous la neutralité du temps décrit en termes parfois âpres et toujours justes. Les mots sont cherchés, soupesé par tout ce qu’ils ont fréquenté et aussi l’existence du maintenant chargé de son passif.
Le but des mots : se et le (le père) raconter via la narratrice en des moments de soleil ou d’embruns où l’héroïne peut communier encore avec l’aimé et son temps. Le tout dans un monde sans vérité, où l’on s’accroche avec le cœur – foyer de toutes recherches, patrie toujours considérée comme unique et éternelle.
La force des mots est qu’ils ne seront jamais oubliés pour faire durer ce qui s’est effacé, non au-delà de l’amour, mais dedans. Il y a, au cœur de la ville, la broussaille du désert de la vie s’étendant tout au loin. Le disparu reste un lézard dans l’herbe épineuse d’un terrain vague en des signes de reconnaissance.
Mais il reste sans doute le premier à pardonner cette sotie. Cela devient l’avenir lointain. En attendant ce qui apparaît quelque part pour celle qui refuse le mot frontière. Au nom de l’amour entier, elle poursuit ses pourparlers avec les états de fait du passé.
C’est là vivre sa mort jour après jour, comme une pierre de sel érodée par la pluie. L’héroïne s’attarde, encore, abandonne sa nature fugace, disparaît dans le vert contentement d’un supermarché qui lui-même se change en nostalgie, en une dure salive à la recherche, entre langue et palais, de sensations dérobées. Reste (presque) la volupté, velouté du geste quand il s’ébauche encore dans la transparence de la disparition pour tenter de rire dans la tristesse.
jean-paul gavard-perret
Noémie Parant, On n’arrêtait jamais de vivre, Atelier de l’agneau, coll. 25, St-Quentin de Caplong, 2024, 80 p. – 18,00 €.