Une réinvention du mythe du vampire
Yannick Corboz adapte le roman au titre éponyme de Richard Malka dans lequel l’auteur a imaginé un homme soumis à un étrange et monstrueux pouvoir.
À New York City, en 20.., un homme couche sur le papier, avant de se suicider, une confession destinée à la femme qu’il aime, cette femme qu’il a retrouvée à travers les siècles. Adrian von Gott est né dans la Venise du XVIIIe siècle. Ses parents avaient perdu leurs deux enfants, victimes de la scarlatine. Ils restent ensemble mais l’amour, déjà fragile, est absent. Sa mère, surtout, ne lui donne pas une once de ce sentiment. Il est élevé dans cette carence, vit une enfance difficile, une adolescence soumise aux brutalités de ses congénères. Il s’est refermé, n’existant qu’à travers les livres qu’il dévore.
C’est lors de la fête de l’Ascension, quand Venise fête son mariage avec la mer, qu’il va connaître un indicible bonheur avec Clélia, une jeune femme rejetée comme lui. Mais, il est devenu un monstre, assoiffé d’amour, qui va traverser toutes les époques, vivant tous les bouleversements des XIXe et XXe siècles jusqu’au jour où…
Le romancier aborde une autre forme de vampirisme. Adrian doit dévorer l’amour d’autrui pour assurer sa survie. Ce n’est plus le sang cher à Dracula, mais le sentiment amoureux, un sentiment plus complexe, plus fragile dont il se repaît. Le héros est en quête, sans cesse, pour trouver sa nourriture au point de devenir amoral, voire blasphématoire par rapport à une morale stricte installée, à grands renforts de mensonges, sur le Vieux Continent.
Son créateur le confronte à nombre de situations qui ont marqué l’Histoire comme la Révolution française, à Constantinople où le sultan est abject et cruel, à participer à l’esclavage, à vivre sur la banquise… Il en fait aussi un collectionneur d’œuvres d’art. Avec ce personnage, c’est un passage constant entre ténèbres et lumière, laideur et beauté, sensualité et violence.
Yannick Corboz a obtenu carte blanche pour son adaptation et celle-ci est plus que réussie. Avec ses couleurs directes, il réinvente l’univers d’Adrian. Il lui donne une allure androgyne pour cadrer avec son passage en monstruosité. Il dissocie, de belle manière, les scènes du passé et du présent, les premières étant plus colorées, les secondes plus monochromes. Il aborde la sensualité qui baigne l’œuvre avec beaucoup de retenue n’allant pas à des scènes hard, mais exprimant tout l’érotisme contenu.
On ne peut que louer son travail de scénariste, celui-ci permettant de suivre au fil des siècles un prédateur d’un genre nouveau, un vampire d’amour.
L’album bénéficie d’une superbe présentation de la part de l’éditeur avec un grand format, une histoire riche en émotions de toutes natures, servie par un graphisme d’une grande beauté.
serge perraud
Yannick Corboz, d’après l’œuvre de Richard Malka, Le Voleur d’amour, Glénat, coll. “Hors Collection”, novembre 2024, 200 p. — 36,00 €.