Elisabeth Morcellet, Fort-Clos Bravo

Char­mante chamane

Dans ce beau livre, Eli­sa­beth Mor­cel­let s’amuse dans sa mise en scène et mise en pièces des hommes. Les seconds risquent de la décons­truire mais la pre­mière se et les recons­truit avec habi­lité et dans divers champs de guerre par­tiel­le­ment en jupon.
L’auteure fait preuve de per­ma­nente maî­trise. Elle se sent à l’aise là où la parole doit être por­tée (comme Natha­lie Sar­raute jadis) et file une sourde inti­mité même si le vent du monde et de l’histoire souffle pro­ba­ble­ment  sur un tel couple.

D’où l’intelligence d’Elisabeth Mor­cel­let. En lieu et place après d’un « ennemi majeur » sans vrai­ment dire lequel sauf qu’il est mas­cu­lin, se jouent les forces oppo­sées d’une contra­dic­tion latente, feinte pour plus la jouer. Dans ce dilemme ou mari­got, l’auteure joue les espionnes dor­mantes. Mais ne la réveillez pas ! Elle est tou­jours (enchan­tée enfin presque) sur un tel chan­tier ou friches.

Une telle mise en scène ver­bale devient une per­pé­tuelle cor­ro­sive mise à sac (de femme) d’actions plus ou moins mineures contre la vie. Le tout en ce double jeu de l’extérieur et de l’intime où la scène de ménage devient le théâtre uni­ver­sel. Créa­trice, actrice, l’auteure fait savou­rer ici son pas de deux certes avec sérieux mais aussi par l’alacrité de son style. La mort veille dans ces dia­logues( par contu­mace) à fleu­ret mou­cheté là où se risque la petite mais aussi la subite mort.

L’art de la guerre est donc celui d’une telle artiste. Le pro­blème de ou du cœur par contre­temps four­nit un désen­chan­te­ment plus ou moins confus pour moins le rêver que  s’agencer vers par­fois des limite mais  « sur un refus pathé­tique de vivre et son ridi­cule mau­vais goût de sui­cide ! ».
Qu’on se ras­sure  : dans ce fort en brio bravo, la volonté de tels per­son­nages invente — par­fois par pro­cu­ra­tion escomp­tée — obli­ga­tions, amé­lio­ra­tions, mais non sans néan­ti­sa­tions poten­tielles. Ce qui per­met à la lec­trice ou au lec­teur d’avancer en filets enla­cés où se jouent le proche et le loin­tain du rap­port amou­reux qui avance si sou­vent mas­qué jusqu’à le taire.

D’où ce “nous ” uni ici en coups d’horions (men­taux) enchaî­nés. Le corps pour autant n’est en rien oublié dans un tel jeu du mon­tré et du caché, de l’artifice et de la réa­lité.  Le clos des mots  lui-même est par­fois éventé entre répé­ti­tions, modu­la­tions astu­cieuses. Si bien qu’Elisabeth Mor­cel­let devient “LA” pra­ti­cienne de la rela­tion amou­reuse.
Pleins, déliés, pré­sence, absence : dans des suite de séances, nous nageons dans la patau­geoire des sen­ti­ments et des subli­ma­tions sexuelles (pudeur com­prise). Entre leurres et épo­pées, la magi­cienne des émo­tions joue la bri­co­leuse ailée, la tri­co­teuse des anneaux lan­gou­reux de Moe­bius entre déni et vérité. D’autant que ce duo d’amants  ava­riés (mais encore avec date de péremp­tion)  reste un délice.

A lire son livre, chaque lec­teur rêve sa créa­trice en  gué­ris­seuse cha­mane lucide des addic­tions et cer­taines addi­tions. Elle seule peut nous (et ses per­son­nages itou) nous sauver.

jean-paul gavard-perret

Eli­sa­beth Mor­cel­let, Fort-Clos Bravo,  édi­tions uni­cité, col­lec­tion Le met­teur en signe, Saint Ché­ron,  2024, 116 p. — 13,00 €.

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Filed under Chapeau bas, Erotisme, Théâtre

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