Jos Garnier, Oscilloscope

Prin­cipe élé­men­taire de varia­tion et d’évolution du logos

Le poète Jos Gar­nier, dans l’esprit d’un Kos­suth, renou­velle une forme à rebrousse-poil, de langue certes bien pen­due (évi­tant son sui­cide) qui fait avan­cer en tenant compte des élé­ments employés pour sa construc­tion. Un tel sens — à tra­vers la figu­ra­tion de mots plus que leurs abs­trac­tions — quitte l’empâtement au pro­fit d’une aéra­tion, pour mettre à nu la méca­nique de divers types de réfé­rences en des digres­sions quelles qu’en soient les pro­ve­nances : le réel ou l’imaginaire pré­side à une telle re-présentation.

Dès lors, le poète neu­tra­lise le dis­cours clas­sique dans un sys­tème d’exhibition et de pro­po­si­tion de lec­ture qui devient un trompe-l’œil d’un nou­veau genre. Plu­tôt que de par­ler de décons­truc­tion de l’image il faut insis­ter sur la pré­sence d’une autre nar­ra­ti­vité. Elle ins­crit la dis­tance plus que la déri­sion afin de por­ter un mes­sage dans une fer­raille où l’intelligence règne même si l’émotion n’est pas absente.
Néan­moins, tout est fait non pour atté­nuer les effets de l’affect mais pour ne pas les affi­cher afin qu’ils ne can­ni­ba­lisent en rien le pro­pos ico­no­claste. Une telle aven­ture féé­rie devient une forme d’inter-lucidité impres­sion­nante. De l’adéquation du mot à l’être, on ne connaît tou­jours que le manque comme si s’imposaient des déchif­fre­ments anta­go­nistes qui s’y affrontent.

Nous avons beau vou­loir croire aux mots : l’appel du vide est plus fort que la foi. Et en une telle vue de l’esprit, nous ne sommes pas que des âmes et nous res­sem­blons à des arbres bien qu’ici nous mar­chions à allure nor­male sous « impul­sion sinu­soï­dale après un inter­valle de temps ». Le tout en « mon­tée et des­cente à un point donné » où tout fait résis­tance dans un « bla­bla » sub­til où l’être ainsi coupé (quoiqu’il ne soit pas de bois) devient le vec­teur de ce qui se démembre.

Ecrire ici, c’est connaître des pro­prié­tés phy­siques du feu non  sans en avoir éprouvé la cha­leur et la brû­lure mais les cendres. Beau­coup d’auteurs s’y accrochent en ten­tant non de par­ler une langue mais de lais­ser la langue par­ler presque au-delà de la seule volonté consciente. D’où ce para­doxe : face à la plus exacte répar­tie des mots s’inscrit une errance, une expé­rience bal­bu­tiante.
Ici le poète est contraint d’avancer : à chaque vers suc­cède un autre dans un mou­ve­ment de volute, en un cercle vicieux. Cha­cun ne trame qu’un tissu pré­caire mais tous cèdent car quelque chose vibre en lui — des boules d’anges gèrent sur­face et matières qui se mélangent (cou­leurs y com­pris). D’où ce désastre, cette joviale malé­dic­tion d’un amas créé peu à peu en guise d’homélies.

jean-paul gavard-perret

Jos Gar­nier, Oscil­lo­scope, Tar­mac, Nancy, 2024, 74 p. — 10,00 €.

Leave a Comment

Filed under Poésie

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>