Jean-Charles Eustache, Oeuvres récentes

Jean-Charles Eus­tache : enigme de la représentation

L’œuvre de Jean-Charles Eus­tache débuta par des pay­sages énig­ma­tiques, des éten­dues aux construc­tions aban­don­nées, des archi­tec­tures banales mais étranges. Depuis cette époque, la même atmo­sphère per­dure mais dans des teintes plus vives là où l’image culmine, fluc­tue et dis­pa­raît par­tiel­le­ment pour sou­li­gner le carac­tère ambigu voir obso­les­cent de tout pro­ces­sus de repré­sen­ta­tion. Entre l’Antonioni de « Blow-Up » et le David Lynch de « Mul­hol­land Drive », les pein­tures semblent des « constats » plus ou moins frag­men­tés d’une enquête poli­cière mais où, plu­tôt qu’être révélé, le réel (ne par­lons même pas de vérité) se dis­sout. Dans sa pro­cé­dure d’appel, le « crime » ( si crime il y a ) n’a le mérite que d’être annoncé. Cela repré­sente une invi­ta­tion à la dis­cus­sion sur le réel plus que le bou­clage d’une enquête.

Le regar­deur peut par­fois avoir le sen­ti­ment que le che­min qu’il par­court est moins bordé d’un décor que des sta­tions d’un cal­vaire. Il se sent alors mor­ti­fié de deve­nir voyeur face à un orne­ment de la détresse. Chaque pein­ture devient une fleur de l’avalanche tran­quille. Elle ne résout rien et n’aboutit pas for­cé­ment à la pen­sée. Com­ment en effet expli­quer la nuit à la nuit puisqu’on ne peut pas emprun­ter — en pein­ture comme ailleurs — les che­mins de foudre de la révé­la­tion ? L’image est donc « mon­tée » comme la tra­hi­son d’un cré­pus­cule déri­soire. Le regar­deur est hanté par l’absence. Il la savoure avec un arrière-goût de remords. Se forme la seule sagesse de la pein­ture : faire recu­ler les choses qu’elle pré­tend éclai­rer. Ce qui ne revient pas à pen­ser qu’elle n’a rien à dire ou à mon­trer. Elle conduit l’esprit là où l’on croit qu’il existe une terre par un accrois­se­ment de nulle part. Eus­tache prouve donc qu’en regar­dant le monde par la pein­ture nous consta­tons qu’il n’y a rien mais  per­ce­vons le plus impor­tant : il faut exis­ter comme elle, sans vérité.

jean-paul gavard-perret

Jean-Charles Eus­tache, Gale­rie Claire Gas­taud, Clermont-Ferrand, mars-avril 2014.

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