L’effroi du vide
Dans l’à bout-de souffle à vivre, l’à-bout de souffle des mots qui ne s’écrivent plus ni ne se prononcent, l’être est jeté dans le monde sans plus comprendre la présence à soi, aux autres ou le vertige de la dualité ou de l’entre-deux.
Comme dans ce texte de Beckett, Comment dire, il s’agit toujours d’une solitude à soi, aux autres, asphyxiante, celle d’une course poursuite du sens de soi aux mots, des mots à soi, dans un flux et une syncope inachevée dans les mêmes hésitations suspendues au sens et à un cœur qui bat. Le mot est voué à l’invisible, la parole à l’extinction.
Tout s’échappe et meurt dans un infra-langage ou dans des mots à rebours, dans une bouche qui dit L’Inommable, celle « d’épuiser les possibilités », comme l’indique Jean-Paul Gavard-Perret à la fin de son étude. Qu’est-ce qui est à retenir dans ce qui échappe, de ce qui erre dans l’impossible du dire, dans la calamité du trop ?
À l’impossible renaissance, les personnages beckettiens se dissolvent, s’enfoncent dans du sur-place, dans les sables mouvants de leur imaginaire et dans les divagations de leurs pensées.
Si le mot ou le son surgit, c’est pour mieux s’éteindre dans un discours jusqu’à l’épuisement du lieu. Le discours lui-même est déréliction. Les corps, les gestes comme les mots se désaccordent et, déliquescents, déplacent les contingences, déplacent la logique et s’immergent dans le spectacle d’un lieu de nulle part, dans la recherche d’un lieu innommé, innommable, à l’origine d’un épuisement du dire même si subsiste « l’insupprimable perception de soi ».
Le texte de Jean-Paul Gavard-Perret exprime le verbe beckettien avec intelligence et profondeur, pour décrire cet enlisement dans ce qui lâche et l’impossibilité à retenir quoi que ce soit.
L’effroi du vide, l’impossibilité à dire et à représenter est, comme il le dit, la matière de « l’extinction nécessaire à l’apparition d’une lumière inconnue au moment de l’absolu dénuement ».
olivia-jeanne cohen
Jean-Paul Gavard-Perret, Samuel Beckett — Extinctions, Douro, collection Résonnances, septembre 2024, 98 p. — 17,00 €.
Pourquoi pas EPOUSER les œuvres de Samuel Beckett ? JPGP le fait mais 1700euros pour 98 pages c’est quand même beaucoup trop !
quand on aime on ne compte pas, mais la virgule oubliée a tout de même été ajoutée — pour les bourses les plus modestes !
la rédaction