Jean-Paul Gavard-Perret, Samuel Beckett — Extinctions

L’effroi du vide

Dans l’à bout-de souffle à vivre, l’à-bout de souffle des mots qui ne s’écrivent plus ni ne se pro­noncent, l’être est jeté dans le monde sans plus com­prendre la pré­sence à soi, aux autres ou le ver­tige de la dua­lité ou de l’entre-deux.
Comme dans ce texte de Beckett, Com­ment dire, il s’agit tou­jours d’une soli­tude à soi, aux autres, asphyxiante, celle d’une course pour­suite du sens de soi aux mots, des mots à soi, dans un flux et une syn­cope inache­vée dans les mêmes hési­ta­tions sus­pen­dues au sens et à un cœur qui bat. Le mot est voué à l’invisible, la parole à l’extinction.

Tout s’échappe et meurt dans un infra-langage ou dans des mots à rebours, dans une bouche qui dit L’Inommable, celle « d’épuiser les pos­si­bi­li­tés », comme l’indique Jean-Paul Gavard-Perret à la fin de son étude. Qu’est-ce qui est à rete­nir dans ce qui échappe, de ce qui erre dans l’impossible du dire, dans la cala­mité du trop ?
À l’impossible renais­sance, les per­son­nages becket­tiens se dis­solvent, s’enfoncent dans du sur-place, dans les sables mou­vants de leur ima­gi­naire et dans les diva­ga­tions de leurs pensées.

Si le mot ou le son sur­git, c’est pour mieux s’éteindre dans un dis­cours jusqu’à l’épuisement du lieu. Le dis­cours lui-même est déré­lic­tion. Les corps, les gestes comme les mots se désac­cordent et, déli­ques­cents, déplacent les contin­gences, déplacent la logique et s’immergent dans le spec­tacle d’un lieu de nulle part, dans la recherche d’un lieu innommé, innom­mable, à l’origine d’un épui­se­ment du dire même si sub­siste « l’insupprimable per­cep­tion de soi ».
Le texte de Jean-Paul Gavard-Perret exprime le verbe becket­tien avec intel­li­gence et pro­fon­deur, pour décrire cet enli­se­ment dans ce qui lâche et l’impossibilité à rete­nir quoi que ce soit.

L’effroi du vide, l’impossibilité à dire et à repré­sen­ter est, comme il le dit, la matière de « l’extinction néces­saire à l’apparition d’une lumière incon­nue au moment de l’absolu dénuement ».

olivia-jeanne cohen

Jean-Paul Gavard-Perret, Samuel Beckett — Extinc­tions, Douro, col­lec­tion Réson­nancessep­tembre 2024, 98 p. — 17,00 €.

2 Comments

Filed under Essais / Documents / Biographies

2 Responses to Jean-Paul Gavard-Perret, Samuel Beckett — Extinctions

  1. Villeneuve

    Pour­quoi pas EPOUSER les œuvres de Samuel Beckett ? JPGP le fait mais 1700euros pour 98 pages c’est quand même beau­coup trop !

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>