Le gaucher – travailler fatigue
Devenir gaucher et s’y forcer crée une écriture. Elle finit par déteindre sur elle-même. Mais au nom de ces gestes, l’âme du déviant persiste et signe. A priori ‚les mots devraient être alignés les uns contre les autres, ce qui généralement ne demande rien. Mais ici, ils errent en nappe blanche pour ouvrir le monde.
Preuve qu’un tel homme fors de main travaille afin de les mettre en déshérence tandis que tant d’auteurs n’ont plus rien à foutre. Ici à l’inverse, « décloués de l’immense religion de la parole », ils ont encore à dire. Et c’est l’astuce génial de gaucher. Sa mâle adresse permet de ne retenir que des essences phrastiques devenues des conséquence de tels efforts car, plus que jamais, travailler fatigue.
A l’écriture automatique (du surréalisme), répond une autre exigence. Par les efforts manuels et intellectuels jaillit une substantifique moelle par crocs en mots en des suites de discrets « viva ! » vivants et importants. Avec une main droite (pour un droitier), il ne resterait pas grand-chose à dire car tout coule et roucoule. Ici ne restent que miettes menues, disparates, minces mais qui veulent et disent tout.
Et il faut les regarder de près : ces nervis apparemment « ortho-graphiés » et en mauvaise vie de vadrouille sont bien en sève et retirés des flots qui inondent. Bref, ce que retient Meier plus ou moins en « pattes de mouche », rugit, hurle, danse en frises là où une tempête s’engage par la main qui s’emporte en un exercice de lenteur pour– et, sans doute après– se reposer même si elle demeure, comme son auteur, virile.
jean-paul gavard-perret
Richard Meier, l’écrit errant, Voix éditions, Elne, 2024, leporello, non paginé.
Jean-Paul — tu es toujours là et je suis encore à tatonner. Tes mots qui fouillent mes passages sont de véritables indicateurs — quant à la poursuite de mes essais
merci Jean-Paul