A la recherche du coq et du silence : entretien avec Alain Hoareau (Cendrillon, c’est moi)

Alain Hoa­reau est pro­fes­seur de gui­tare clas­sique au Conser­va­toire à Rayon­ne­ment Dépar­te­men­tal des Landes. Mais aussi, il écrit. Des poé­sies dont une tri­lo­gie poé­tique : « Quatre sai­sons plus une, Lettre en vacance, Ajour », puis « Pré­ludes et fugues et Le jour opéra », « Le mono­logue du voi­sin Kafka» et désor­mais une série de Nou­velles : « Cen­drillon, c’est moi ! » pleines d’humour, d’impertinence, de laby­rinthes où femmes et hommes s’entrecroisent en une série de por­trait entre la réa­lité la plus quo­ti­dienne, le rêve et  ce qui n’est pas for­cé­ment avoué.
Bien des appâts sont ten­ta­teurs chez les unes et leurs « pro­mis ». Avec iro­nie, l’amour n’est pas reclus d’où ces che­mi­ne­ments du cœur et du corps pour que cer­taines fusions touchent leurs espé­rances contre la solitude.

 Entretien :

Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Le chant du coq… Mais je n’en pos­sède pas. Alors c’est sans doute le besoin de par­tir à sa recherche.

Que sont deve­nus vos rêves d’enfant ?
Eh bien, jus­te­ment, ils se tiennent dans le chant du coq. Je les ai appro­chés sou­vent, mais tou­jours ils ont fini par s’envoler. Une façon à eux de me tenir en éveil.

À quoi avez-vous renoncé ?
À l’idée de pou­voir ache­ver quelque chose. Une musique, une idée, un livre… Nous ne pos­sé­dons qu’une vie qui nous achè­vera, mais nous en com­men­çons mille que nous ne fini­rons jamais.

D’où venez vous ?
D’une famille modeste comme il en existe tant d’autres, deve­nue un peu nomade par la force des choses. Donc sans attaches véri­tables, si ce n’est cette édu­ca­tion que nos parents ont tou­jours esti­mée comme étant la meilleure ouver­ture au monde et comme le meilleur moyen de s’en protéger.

Qu’avez vous reçu en dot ?
Une cer­taine téna­cité sans laquelle aucun don éven­tuel ne peut éclore. Je ne crois pas au don en tant que tel, sauf pour ceux qu’on appelle les génies, mais à une sen­si­bi­lité par­ti­cu­lière aux choses.

Qu’avez-vous dû “pla­quer” pour votre tra­vail ?
Une région que j’aimais bien, des amis de jeu­nesse per­dus de vue. Tou­jours ces lignes com­men­cées qui ne s’achèvent jamais.

Un petit plai­sir — quo­ti­dien ou non ?
Rire.

Com­ment associez-vous votre ins­tru­ment (la gui­tare) et votre écri­ture ?
Je n’associe rien. Les deux ne font qu’un. J’ai avant tout une pen­sée de musi­cien : la struc­ture du lan­gage, hori­zon­ta­lité, ver­ti­ca­lité, la car­rure, la sono­rité, le rythme bien sûr.

Quelles musiques écoutez-vous ?
Toutes sortes de musique. Prin­ci­pa­le­ment, mal­gré tout, ce qu’on appelle à tort la musique clas­sique, mais ça n’a jamais été le fruit d’une édu­ca­tion. J’ai très vite été attiré par elle avant même que de rece­voir mes pre­mières notions de sol­fège ou d’instrument. Mais le genre importe peu fina­le­ment. Ce qui compte, c’est où vous mène cette musique, ce qu’elle vous fait décou­vrir en vous comme à l’extérieur. Une chan­son amène aussi loin qu’une symphonie.

Quel est le livre que vous aimez relire ?
« Le Pro­cès » de Franz Kafka

Quel film vous fait pleu­rer ?
Les mauvais.

Quand vous vous regar­dez dans un miroir qui voyez vous ?
Que voyez-vous ? il fau­drait dire. Un point d’interrogation. Sinon le visage qu’il faut tous les matins se recom­po­ser comme aurait dit Supervielle.

À qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
Je n’ai pas le sou­ve­nir de m’être trouvé confronté à cette situa­tion. Ce serait plus de l’ordre du silence choisi que j’évoque d’ailleurs dans mon der­nier livre. Ce temps qui n’est pas appro­prié à la parole. C’est par­fois le silence qu’il faut oser. Le silence qui est liberté.

Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Sans hési­ter, la mer. Ou plus exac­te­ment ce point où mer et terre se rejoignent. Ce point de jonc­tion d’une impos­sible union. Ce point sur lequel on aime lais­ser une trace fra­gile comme pour défier la dis­pa­ri­tion. On pour­rait dire : tu dis­pa­rais mais je suis tou­jours là. Une sorte d’utopie du définitif.

Quels sont les artistes dont vous vous sen­tez le plus proche ?
Ceux qui pri­vi­lé­gient l’intériorité, l’intime au spec­ta­cu­laire. Pre­nez Schu­bert par exemple — com­po­si­teur mais for­cé­ment artiste -, un com­pa­gnon d’infortune et qui pour­tant vous invite au voyage.

Que défendez-vous ?
C’est une ques­tion ambigüe ! Défendre, c’est pro­té­ger ou inter­dire. Par­fois les deux à la fois… Défendre la liberté de parole, com­ment faut-il l’entendre ?

Que vous ins­pire la phrase de Lacan : ” L’amour c’est don­ner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas” ?
Pas beau­coup de bien. Don­ner est un acte de volonté. On donne tou­jours dans un but, bon ou mau­vais peu importe. Le sen­ti­ment est pour moi un état qui n’attend rien. Ni ne réclame, ni ne donne. Ce serait plu­tôt un aban­don. Un aller sans retour.

Enfin que pensez-vous de celle de W.Allen : “La réponse est oui, mais quelle était la ques­tion ? “
J’aime beau­coup ! Elle pour­rait même conve­nir à la ques­tion précédente.

Quelle ques­tion ai-je oublié de vous poser ?
Aucune. Toutes. Qu’est-ce qui pour­rait arrê­ter le ques­tion­ne­ment comme ce point d’interrogation tous les matins dans le miroir ?

Entre­tien et pré­sen­ta­tion réa­li­sés par jean-paul gavard-perret, pour lelitteraire.com,le 20 octobre 2024.

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