Guillaume Sire, Conversion du Minotaure suivi de Mort de la paille

Négo­cia­tions mythologiques

Guillaume Sire, né à Tou­louse en 1985, a publié cinq romans, un essai de théo­lo­gie et un traité d’éthique. Il enseigne l’épistémologie à l’université de Tou­louse Il pour­suit cette quête avec ici deux textes sur les figures mytho­lo­giques. Pour preuve : « J’ai gratté le laby­rinthe jusqu’à l’os de gra­nit – celui d’avant Thé­sée : mes pre­mières vic­times – et débus­qué sous le drap du Temps le talis­man de Minos, la sil­houette d’Ariane, la cou­ronne de Pasi­phaé, puis le vin, l’hostie. …et j’ai cru, Sei­gneur. Je savais », écrit-il.
.
De telles figures étaient jadis redou­tables mais au fil du temps, asser­vies par la mélan­co­lie, elles déam­bulent ici dans un monde moderne démys­tifié, où les mots ont été rené­go­ciés. Le Mino­taure, pri­son­nier d’un faux lan­gage, cherche une issue. Il invoque les choses pour les rebap­ti­ser. Et lui-même par cette occa­sion retrouve le nom d’ « Asté­rion ». Quant à Ulysse, pour cal­mer Poséi­don et sa colère, il reprend son odys­sée. Il marche long­temps une rame sur le dos et finit par croi­ser un homme qui n’a jamais connu la mer et la rame….

Dans les deux textes, il s’agit de sor­tir de fait du dédale de la langue, de s’en extir­per. Car de telles figures  mythiques chantent leur propre ruine mais cousent deux tis­sus : le tra­gique grec et le roman­tisme chré­tien. D’où le carac­tère par­ti­cu­lier d’un tel « psaume ». Il devient une ode à la joie face à l’existence, sa souf­france, et la colère de ceux qui en vident le sens et en sac­cagent la beauté.

De l’adéquation du mot à l’être se montre une forme de manque assuré comme si deux idiomes d’hier et d’aujourd’hui impo­saient des déchif­fre­ments anta­go­nistes qui s’affrontent. On veut croire aux mots, sans que l’appel du vide soit plus fort que la foi. Nous res­tons ainsi étran­gers par dua­lité de ces idiomes qui refusent un authen­tique enracinement.

jean-paul gavard-perret

Guillaume Sire, Conver­sion du Mino­taure suivi de Mort de la paille, des­sins de Natha­lie Bour­dreux, Fata-Morgane édi­tions, Font­froide le Haut, 2024, 104 p. — 21,00 €.

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