Le conte d’hiver (Shakespeare / Julie Delille)

© Jean-Louis  Fernandez

Une célé­bra­tion tellurique

Pendant que le public s’installe, on assiste sur scène à des mimiques qui prennent la forme d’une céré­mo­nie. Le théâtre du peuple est bruyant : l’orientation des per­sonnes s’y fait au moyen d’algarades plai­santes, les spec­ta­teurs bruissent de la joie d’être là. C’est ainsi : tout l’été, le vais­seau de bois vibre d’un chœur bat­tant cha­leu­reu­se­ment le rythme des spec­tacles. Cette fois, la repré­sen­ta­tion s’annonce solen­nelle, même s’il semble s’agir de trom­pe­rie. Her­mione riva­lise de civi­li­tés avec son mari Léontes envers Polixènes, son beau-frère, ce qui fait naître le doute et rapi­de­ment le soup­çon dans l’esprit de l’époux, bien­tôt mon­tré en proie à ses démons. Dans sa démence, il mani­gance contre sa femme et son frère.

Dans la fuite d’un ser­vi­teur, il voit une preuve, qui le conduit à ban­nir sa femme. Lorsque celle-ci, empri­son­née, accouche, Pau­lina, une femme de la cour, a le cou­rage de lui pré­sen­ter l’enfant et d’amener l’assistance à témoi­gner de la loyauté et fidé­lité de la reine. Tour­menté, voué à ses fureurs, le roi Léontes répu­die sa fille, condamne sa mère, sol­li­cite le recours à un oracle. C’est après qu’il a été rendu qu’intervient l’entracte.

Un mage, l’auteur, inter­vient pour expli­ci­ter la suite du conte : sans omettre la réfé­rence à Œdipe, il explique com­ment la fille de Léontes, aban­don­née aux élé­ments, fut recueillie par un pay­san de Bohème, où nous la retrou­vons quinze ans plus tard, cour­ti­sée par Flo­ri­zel, fils de Polixènes. Une fête cham­pêtre est l’occasion d’ouvrir la scène sur la forêt, comme un appel aux sources pro­fondes de notre spon­ta­néité.
A l’image de ce joyeux empor­te­ment, la scé­no­gra­phie appa­raît comme une œuvre col­lec­tive : danses et réjouis­sances consti­tuent une célé­bra­tion flo­rale qui a voca­tion à dénouer les fils du drame. Alors que les rituels prennent des allures de fian­çailles, le jeune prince est rap­pelé à son lignage. Sha­kes­peare semble alors hési­ter entre une fin ellip­tique et une fin explicite.

Finale­ment, une dose de fan­tas­tique vient clore le texte. Julie Delille démêle assez habi­le­ment cet éche­veau, en pré­sen­tant une inter­pré­ta­tion fina­le­ment assez construite, qui consti­tue un hymne à l’amour, à la puis­sance des femmes, à la valeur de la jus­tice, qui s’achève par des pro­ces­sions solen­nelles qui semblent relier la pièce à son début. La repré­sen­ta­tion a consti­tué somme toute une espèce de célé­bra­tion, certes tel­lu­rique, pour ce conte aty­pique aux allures un peu mystiques.

chris­tophe giolito 

 

Le conte d’hiver 

de Sha­kes­peare

mise en scène Julie Delille

Tra­duc­tion Bernard-Marie Koltès 

Avec Lau­rence Cor­dier, Laurent Des­ponds, Élise de Gau­de­mar, Bap­tiste Relat

et les comédien-nes ama­teu­rices de la troupe 2024 du Théâtre du Peuple : Héloïse Bar­bat, Garance Cha­va­nat, Véro­nique Damgé, Sophia Daniault-Djilali, Michel Lemaître, Gérard Lévy, Valen­tin Meril­hou, Jean-Marc Michels, Yvain Vitus

et les comédien-nes ama­teu­rices alternant-e-s Alcyone Bénézit-Desbordes, Nico­las Brice, Marie Char­ton, Anna Dupleix-Marchal, Mailla Hat­tier, Phi­lippe Voiriot

Dra­ma­tur­gie Alix Fournier-Pittaluga
Scé­no­gra­phie et cos­tumes Clé­mence Delille
Créa­tion lumière Elsa Revol
Musique Julien Lepreux, avec la voix de Gaëlle Méchaly
Assis­ta­nat mise en scène Gwe­naëlle Mar­tin
Assis­ta­nat scé­no­gra­phie et cos­tumes Elise Vil­latte
Régie géné­rale et lumière Pablo Roy
Régie son Coren­tin Guiblin

Pro­duc­tion Théâtre du Peuple
Copro­duc­tion Théâtre des trois Parques

T h é â t r e   d u   P e u p l e

03 29 61 50 48 Durée : 3h30 (entracte com­pris)
du 20 juillet au 31 août 2024, du jeudi au dimanche à 15h.

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