En poésie, tout exercice à trous (fût-ce celui dit Madame– entre autres le plus beau des jouets, mais ne nous y trompons pas) n’est pas simple. Il a en lui tant de vide qu’il s’agit moins de le remplir que d’en créer des atours.
Bref, entre le vide et le plein existe quelque chose de fédérateur. Thinez grâce à ses nominations et ses définitions, trouve plusieurs trous à son sac, histoire de filer ou faire défiler moins vides et blancs que mythes ou allégories de divers genres.
En de tels trous, la pensée de Thinez s’enfonce ou s’emboîte non sans humour. Mais “trou be or not trou be” reste sa question. Des trous sœurs, il vêt comme le cinéaste Guy Maddin ses “trous dans la tête” d’une joie communicante.
Le poète cultive ainsi son jardin (et le nôtre) de trous où tout “trou-dit” (Beckett) donne le tournis. Vide ou plein (de cela ou ceci) offre des havres de paix et un apprentissage de la sagesse.
C’est d’ailleurs une des qualités d’un auteur qui ne se paie jamais de mots. Il élimine les circonvolutions métaphoriques en détours jusqu’à un “trou du Q” dans un tel lieu où le centre est partout, la circonférence nulle part.
Mais entre marges et dedans, quelque chose avance, se précise : le livre est à l’image de la vie, il est plein de trous pour y sauter sans réserve avant de nous réserver ce qui sera un jour, sans doute et pour tous, le dernier.
jean-paul gavard-perret
Marc-Emile Thinez, Exercices à trous, Louise Bottu, Mugnon, juillet 2024, 90 p. — 13,00 €.