Dans ta chambre, l’air est doux, le monde semble endormi. Il ne te manque que peu de mots. Déjà s’engouffre l’oiseau qui passe. Tu le vois en ton puits aménagé de frêles passerelles avec ce qui dehors reste et se balance. Tu te dis tout de même : “vois ma fille tout ce que tu fais pour le combler, son plaisir!“
Mais il arrive dès avant de venir, tu n’as qu’à subir ce qui le mène à la fin au commencement. L’oiseau vole à l’envers. Du voyage achevé, tu cherches parmi tes braises au moins une étincelle. Mais cet acte de chair n’eut qu’un poudroiement théâtral et partiel. Dans tes coulisses, tu t’absentes des mots.
Dès ta première phrase — in petto dans tes blancs — tu n’en pensas pas moins : “Rit bien qui rit le premier mais ce qui m’arrive n’est pas le meilleur”. Le temps n’est donc pas linéaire mais relatif en cette sorte d’évidence sans que rien n’avance.
Néanmoins, il y a peut-être un peu trop d’évidence et pas assez de mystère ou de balafres légères tracées dans le temps par les mots squelettes. La voix monte des mains, des yeux, retombe. Nul ne sait jamais à l’avance sinon phosphènes et possibles lumières, soient-elles éphémères.
jean-paul gavard-perret
Photo de Cindy Sherman