Rêve éveillé
Chiara Lecca est une brillantissime artiste capable de jouer avec tout. Elle peut choquer avec certains objets (sex-toys), animaux morts (mais au corps luisant) mais surtout avec les fleurs qui abordent un thème visionnaire mais en le liant à un espace nocturne pour ajouter une dimension onirique.
De toute façon, avec ces œuvres les voyeurs deviennent abonnés aux yeux ouverts dans les significations les plus diverses. Chiara Lecca crée donc une dynamique et une sensibilité en un univers de l’illusion. Cette dernière commerce avec un monde plausible, si bien que parfois nous sommes projeté jusqu’en des dispositifs utilisés dans les musées d’histoire naturelle.
L’artiste nous offre tant de traversées. de reprises en reprises. Elle propose des morphologies qui ne reviennent plus à forcément donner du ressemblant mais à atteindre une essentialité avec plus de gravité qu’un humour (souvent facile étant donné la matière de base des objets de représentation).
L’art est donc un exercice de patience. Il repose toujours sur un maximum d’exactitude documentaire mais le « portrait » s’en écarte pour devenir projection mentale d’émotions et vision sans pour autant de fétichisme.
Le travail de l’imaginaire devient une légende libre, une histoire dégagée de ce qui l’entoure. Le résultat est troublant, émouvant, riche, actif. Il est aussi humble et ressemble parfois et volontairement à un projet inachevé. C’est le lieu du «peu» : mais où se saisit une vérité en perpétuel mouvement. Reste visible une interrogation loin d’une simple psychologisation de l’image. Chaque présence surnage, muette, distante, grave. Elle se dérobe soit par décadrage ou par absence de volonté d’exprimer une intériorité.
jean-paul gavard-perret
Chiara Lecca, Sensorama, Galleria Fumagalli de Milan à l’exposition collective Diorama, du 5 juillet au 10 novembre 2024.