En liberté
Si de la chute de quelques pommes, Newton déduisit la théorie de l’attraction terrestre, si des mêmes pommes, Cézanne déduisit la possibilité de faire apparaître la peinture et non ce qu’elle peint, l’artiste montpelliéraine invente ce qui est plus précieux encore : la joie de vivre et une autre façon de voir, de lire nos existences. La poésie de Laurence Fritsch se veut donc avant tout une peinture insouciante et heureuse. C’est là une gageure et une exception.
Pour cela, pas besoin d’équations plastiques. Il suffit d’exhiber des scènes sous un aspect physique. La caricature n’y est plus une critique mais une manière d’être au monde : à deux (“Ton et Tata) ou en groupes de fêtards. Mais toujours pour le partage.
Laurence Fritsch fait coïncider la geste poétique avec la fulgurance. Dans le carré ou presque des pages (ou plutôt sa carrée), la vie bat la chamade, elle reste dégingandée au milieu d’un ruissellement de formes et de couleurs. La poétesse croque ses charades comme elle croque la vie comme la nature. Elle la bourlingue de caresses pour qu’elle craque de joie jusqu’aux criques de la côte ou dans le petit café d’en face.
L’auteure fait de la nature des personnages à géométrie variable le signe de l’acharnement vital. Couleurs et formes débordent. On ne s’en lasse pas. La chef d’orchestre de cette messe païenne devient la fée sans stress ni strass.
jean-paul gavard-perret
Laurence Fritsch, Ses semelles sont d’écorce, Ill. Cécile A. Holdban, Préface Patrick Devaux, Bleu d’Encre Éditions, 2024, 104 p. — 15,00€.