Antonio Zurera Aragón, Marécage — t.02 : “Prospero”

Deux mondes, deux univers…

Maré­cage est un ter­ri­toire mau­dit, aux limites indé­fi­nies, peu­plé d’étranges créa­tures. Inhos­pi­ta­lier, il est le lieu où le royaume déporte les cri­mi­nels. Mais c’est là que le capi­taine de la garde a décidé de cacher Ysaut, l’héritière du trône, pour évi­ter qu’elle ne soit la vic­time de trop nom­breux complots.

Dans le royaume de Palan­tia, la paix a été signée entre le duc Anselme et le prince Oblonsky. Dans la tour de l’Académie, à Mont Royal, la capi­tale, un groupe d’individus iden­ti­fiés par un numéro, por­tant des masques, décide de la des­ti­née du royaume. Le roi Chris­tian, monté sur le trône après la dis­pa­ri­tion de la prin­cesse Ysaut, leur convient. Même s’il revient cher, les pro­fits sont consé­quents.
C’est à la demande de son père, le duc Anselme, que Pros­pero, fai­sant retraite dans un monas­tère, accepte de reve­nir à la cour. Dans les maré­cages, la situa­tion se dégrade, l’équilibre des tri­bus est menacé avec l’arrivée mas­sive de tous ces ban­nis pour des brou­tilles, pour ne pas pou­voir payer les impôts de plus en plus lourds. C’est là qu’Angelika, le grand amour de Pros­pero, s’est réfu­giée sous le nom de Som­bra. Elle concourt à faire gagner une bataille. Mais Pros­pero veut plus qu’une simple place à la cour et Som­bra veut par­tir à la recherche de créa­tures mythiques répu­tées dangereuses…

C’est dans une atmo­sphère de com­plots, de batailles, de duels, qu’Antonio Zurera Aragón déploie son his­toire. Il pro­pose un uni­vers ani­ma­lier avec des per­son­nages à l’anatomie proche de l’humain ou fran­che­ment à l’image des ani­maux. Cepen­dant, il com­pose des races hybrides à par­tir d’une com­bi­nai­son de plu­sieurs bêtes.
Deux per­son­nages prin­ci­paux se par­tagent les feux de la rampe dans cet album. D’abord Pros­pero de la Hire, un bâtard du roi Anselme, qui a été élevé à la cour avec ses cou­sins. Il ne donne cepen­dant pas satis­fac­tion à son père par son atti­tude de grand bam­bo­cheur, pré­fé­rant la fré­quen­ta­tion des bouges et des bor­dels. Puis, cette mys­té­rieuse Som­bra qui est à la recherche d’elle-même après avoir vécu un grand choc jusqu’à vou­loir gom­mer son héré­dité et son identité.

Si le récit com­porte de nom­breuses scènes épiques, le scé­na­riste intro­duit dans son uni­vers des élé­ments rela­tifs à notre société, à notre civi­li­sa­tion. Ce maré­cage est à l’image des zones oubliées par le pou­voir, ces zones rurales où les ser­vices n’existent plus, qui res­semblent de plus en plus à des déserts où la popu­la­tion s’adapte. Ce sont aussi les migra­tions et l’accueil de tous ceux qui fuient dic­ta­tures et mas­sacres. C’est le coût d’une guerre qui appau­vri un peuple au pro­fit d’une poi­gnée de nan­tis. Mais c’est aussi l’espoir d’un meilleur avenir.

Le scé­na­riste assure le des­sin, un gra­phisme puis­sant, géné­reux, foi­son­nant où le trait vif déborde d’énergie. Il mul­ti­plie les détails et anime de belle manière son monde ani­ma­lier. La mise en cou­leur est l’œuvre de Hiroyuki Ooshima qui donne une puis­sance sup­plé­men­taire et enchante les planches.
Avec ce second tome, l’histoire conti­nue à être pas­sion­nante avec une intrigue qui mul­ti­plie les rebon­dis­se­ments tout en offrant, avec ce gra­phisme spec­ta­cu­laire, un régal pour le regard.

serge per­raud

Anto­nio Zurera Aragón (scé­na­rio et des­sin) & Hiroyuki Ooshima (cou­leurs), Maré­cage — t.02 : Pros­pero, Dupuis, coll. “Grand Public”, mai 2024, 120 p. — 21,95 €.

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