Xavier Maréchaux, Pie VII. Le pape qui défia Napoléon

Qui mange du pape en meurt

Napo­léon connaissait-il ce vieux pro­verbe romain? Il aurait dû en tout cas car cela lui aurait évité d’entrer en conflit avec la papauté, conduite depuis 1800 par un moine béné­dic­tin, Bar­nada Chia­ra­monti qui choi­sit le nom de Pie VII, par fidé­lité avec son pauvre pré­dé­ces­seur, mort pri­son­nier du Direc­toire. Mais il exis­tait, chez l’héritier de la Révo­lu­tion et des Lumières, une dyna­mique éta­tique et auto­ri­taire dont il ne pou­vait s’extraire, et qui lui inter­di­sait d’admettre un pou­voir, même reli­gieux, auto­nome, et encore moins indépendant.

C’est cette logique impla­cable que décrit très bien Xavier Maré­chaux dans une bio­gra­phie de Pie VII avant tout politico-religieuse. Ce choix scien­ti­fique ne l’empêche pas de bien sai­sir la per­son­na­lité de ce pape, doux et humble, mais déter­miné à défendre ce qui ne lui appar­te­nait pas, et que pré­ci­sé­ment l’empereur vou­lait détruire : le Saint-Siège et les Etats pon­ti­fi­caux. Pie VII fit alors preuve d’une remar­quable force et d’une déter­mi­na­tion constante. Et quand il lui arriva de céder, il sut reprendre très vite ce à quoi il avait consenti.

L’ouvrage met bien aussi en lumière le poids du contexte dans les rela­tions entre Paris et Rome. Les cir­cons­tances pous­sèrent, en 1801, aux dis­cus­sions concor­da­taires dont les deux pro­ta­go­nistes avaient besoin. La lune de miel ne dura pas, Napo­léon, enivré par ses vic­toires, cher­chant à mettre la papauté à sa botte. Chaque suc­cès condui­sit à un coup de butoir jusqu’à l’irréparable, symp­tôme de l’hubris impé­riale : l’arrestation du pape, sa dépor­ta­tion et son empri­son­ne­ment doré. Acte inouï devant lequel Hit­ler lui-même finit par recu­ler en 1943.

C’est là un autre apport majeur de cette étude qu’on lit en pen­sant sys­té­ma­ti­que­ment aux évè­ne­ments futurs, aux conflits entre le Siège apos­to­lique et les Etats tou­jours plus glo­ba­li­sants, tota­li­sants, étouf­fants. La lutte de 1809 en annon­çait en fait bien d’autres. C’est ce qui nous pousse à une réserve à pro­pos de la conclu­sion de l’auteur, regret­tant une occa­sion man­quée d’une récon­ci­lia­tion entre l’Eglise et la moder­nité, en réa­lité inima­gi­nable à cette époque, avec ou sans Pie VII, avec ou sans Napo­léon. Cela advien­dra plus tard, avec les dégâts que l’on connaît…

fre­de­ric le moal

Xavier Maré­chaux, Pie VII. Le pape qui défia Napo­léon, Passés/Composés, mai 2024, 312 p. — 23, 00 € .

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