Succès damnés, orgies et origines du monde
Un texte de Clément Rosset extrait de L’invisible ouvre en exergue le jeu : “Romulus, le cheval savant des Impressions d’Afrique de Raymond Roussel, dont la morphologie particulière de la bouche a permis à son écuyer, Urbain, de lui faire répéter sans les comprendre, à la manière d’un perroquet, les mots et les phrases qu’on lui adresse.” Cela veut expressément assurer le trou que tout se perd mais Cauda rectifie : « On interprète la lettre pour essayer de comprendre ce qu’elle cache ». Et il profite des retours à certains envoyeurs fiables (Kierkegaard par exemple) ou non.
Nous entrons en conséquence dans le trou “iconoclaste ou paroxystique” où tout est permis. Et l’auteur de s’en délecter dans ce qui tient d’un traité scientifique et d’un déroulé imaginaire “en formes de coquillages sur le corps-femme-trou”. Cauda y avance — et si l’on peut dire — les mains libres. Et ce, en prouesses et trou-est-ce ? En effet dans la tentative de capture d’un tel lieu, tout se joue à la fois en tant que présence et absence.
Le garnement les explore avec jubilation pour savoir enfin de qu’est voir et voir le non visible ou encore apparaître et disparaître. Entre spiritualité et phénoménologie, origine et fins, les mots grouillent selon diverses voies de l’enfance, jusqu’ aux coquillages — vides ou non -, au jazz. Mais la liste n’est pas fermée, tant s’en faut. Et pour couronner le tout avec une partie à l’anglais(e).
L’impossible est tout nu pour que le trou se voit. S’ouvre alors non seulement les jambes mais le trou vaginal qui permet de multiples pérégrinations, y sortant, venant, revenant, y retombant là où la mort n’est plus qu’un succès damné. Cauda échappe en conséquence à bien des trahisons via diverses divagations de l’astrophysique à la politique. Histoire si besoin pour cet auteur diable homme de jouer le mâlin dans son coup du lapin. : “L’invisible, or the invisible, is a concept that has been explored and debated by philosophers, scientists, and artists for centuries. It refers to something that cannot be seen or perceived by the human senses, yet still exists.”.
Mais qu’on se le dise : le moi lui-même (himself pour tout dire) n’est qu’ombre ou trou enfoncé jusque dans la tête du sus-dit — voire de la suce dite. Mais de facto tout peut être perçu d’une manière ou d’une autre. L’inverse est vrai aussi. C’est là expliquer le monde telle une orange sanguie ou rose mais toujours alanguie. Cauda s’en paie de belles tranches. Femmes comprises bien sûr — sur la chaise d’une cuisine ou d’un bar à putes. Ecce le gage de notre innocence ? L’auteur la montre voilée car cette qualité morale comme la lettre volée à la H. James restent pleines de trous-dits. C’est du parfait Cauda : il a l’art de tromper bien des vigilances. Tout compte fait la faim multiplie non seulement l’I.A. les hommes grands mais aussi les moyens.
jean-paul gavard-perret
Jacques Cauda, L’invisible ou agrandir le trou pour ne pas en sortir, Editions Douro, collection Essais, juin 2024, 68 p.- 16,00 €.