Pour les Cévennes protestantes théâtres de la plupart des récits d’André Chamson, l’Aigoual devient le symbole. Il s’agit pour lui non d’écrire « sur » mais « à partir » d’un tel lieu quasi mystique. Il faut toutefois lui consacrer du temps “physiquement”. Corps et terre y sont amalgamés même si l’histoire du mont et de ses hommes de foi devint ruine sous le joug de l’histoire.
Néanmoins, pour Chamson, ce lieu « qui sait se faire justice », manie le temps comme un bélier, frappe toutes les générations. D’où le portrait de la montagne sacrée génératrice d’un récit initiatique et d’une sauvage et indéniable beauté là où « Des enfances traversées par un reflet d’héroïsme y sont possibles. Un long cortège d’adolescents se forme au courant des années sur ses pentes ». C’est pourquoi il s’agit de questionner ce paysage. Peu à peu il devient intérieur par le langage.
Chamson exprime des liens dont il souligne une “dimension politique”. Elle permet, entre autres, de s’interroger sur le pouvoir de la parole. Une telle tentative revient à décrire et dé-crire non seulement “du” paysage mais un regard, une pensée, une phrase. C’est une filature qui, à partir d’un point géographique, permet de filer le monde. C’est aussi soulever les images, leurs couleurs pour les remplacer par d’autres voies.
jean-paul gavard-perret
André Chamson, L’Aigoual, dessins de Vincent Bioulès, Fata Morgana, Fontfroide le haut, 2024, 64 p. — 16,00 €.