Une ambiance sombre et crépusculaire
Le titre, Quelque chose de froid trouve sa signification d’emblée dès la seconde phrase de l’album. Philippe Pelaez renoue avec le polar sanglant, la vengeance brutale. Il s’inspire de ces films noirs américains d’avant la Seconde Guerre mondiale avec ces détectives, ces truands qui ne faisaient pas dans la douceur. Mais, il étoffe son récit en le combinant judicieusement à une autre affaire qui agite la région et mobilise le fameux Eliot Ness. De plus, il place son héros dans un environnement baroque du plus bel effet.
Le scénariste, par ailleurs, n’a pas son pareil pour des récitatifs détonants, excelle dans des cartouches riches en textes passionnants pour la pertinence des propos et l’éclairage apporté sur les travers de nos sociétés, de notre civilisation.
Ethan Hedgeway est interpellé par l’inspecteur Peter Merylo quand il revient à Cleveland après quelques années de pénitencier. Il se moque de lui, insinuant que sa femme ou son avocat l’ont doublé. L’inspecteur est persuadé qu’elle s’est enfuie avec l’avocat et qu’ils doivent prendre du bon temps. Or, l’ancien employeur d’Ethan, Frank Milano, un caïd de la pègre, lui a renvoyé celle-ci en pièces détachées. Ethan reconnaît qu’il n’a pas été très gentil avec Frank en lui volant une bonne partie de sa fortune et des documents compromettants. Ethan était alors parti avec son épouse au Mexique pour se mettre à l’abri. Il pensait toutefois, qu’avec ce qu’il détenait, le truand n’oserait pas se venger.
Mais, pourquoi Ethan revient-il dans l’Ohio plutôt que fuir encore plus loin puisque son ancien patron a dû, à son tour, quitter pour d’autres cieux, sa position de maître de la pègre locale ?
Le côté roman noir ne transparaîtrait pas aussi bien sans le graphisme exceptionnel, en bichromie, d’Hugues Labiano. Si le dessin est réaliste au possible, les personnages représentés de belle manière, les décors sont précis, détaillés et d’une grand beauté. Le jeu des ombres, la force des couleurs sombres que place judicieusement Jérôme Maffre définissent une atmosphère crépusculaire qui convient à merveille au récit.
Un dossier réalisé par Philippe Pelaez, “Quelques touches de plus”, présente une rétrospective du film noir, ses origines, ses composantes et les principales œuvres qui entrent dans cette catégorie.
Cet album est le premier d’une trilogie de one-shot dénommée Trois touches de noir. Quelque chose de froid sera suivi de Au sud, l’agonie et de Comme un canari dans une mine de charbon. Du grand régal en perspective si la suite est à la hauteur de ce premier tome.
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serge perraud
Philippe Pelaez (scénario), Hugues Labiano (dessin) & Jérôme Maffre (couleurs), Quelque chose de froid, Glénat, coll. “24x32”, mars 2024, 64 p. — 15,50 €.