Les « deux soleils » de Pierre Garnier, « celui de l’origine / et celui de la fin », se répondent dans cet ensemble écrit en hommage pour le dixième anniversaire de sa mort. En témoignent de nombreuses publications. Sa fille (Violette) a réuni quelques-uns de ses amis les plus proches, quelques photos et poèmes. Se retrouvent les deux pans de l’œuvre : le côté « lettriste » et l’autre plus lyrique.
Ils définissent les destructions volontaires d’une sauvagerie compilée de picard, de français surtout et d’abord puis de l’allemand ensuite. Garnier a fait des mots divers espaces pour créer – surtout au début – une poésie concrète et spatialiste avant ses derniers souffles.
Dans ce livre, Giovanni Fontana remonte à la poétique de celui qui fut un des protagonistes de l’expérimentation au sein d’une poésie visuelle mais qui était aussi sonore et visuelle pour un essor d’un dynamisme particulier. Plus tard, sa leçon allemande du verbe lui a permis une poésie sans frontières. Pierre Garnier souligne qu’ « une même civilisation technique s’étend sur la planète », et que le spatialisme répond à ce mouvement
Mais devant l’espace quasiment mathématique des formes abstraites et/ou conceptuelles, le poète quitte « l’École de Rochefort » pour l’ irrationalisme mystique des surréalistes. Peu à peu, pour lui, la poésie devient une sorte de sagesse afin d’embrasser regard et pensée pour l’unité de l’Univers. Il a quitté sur les bords, sur les extrêmes la « ligne » pour celle de l’horizon que Julien Blaine énonce.
Selon Ivar Ch’Vavar, Pierre Garnier a relié l’image des deux soleils et une expérience de rotation du temps dans le mouvement des pages. Il a inventé un passage sur un autre plan. Et Jörg Seifert précise au sujet du poète son « croisement d’un chemin » pour transformer le monde.
Mais le poète sera resté celui qui a inventé un présent toujours mobile capable d’attiser le sens comme la profondeur des êtres. Les auteurs proposent donc une théorie analytique intempestive de cette œuvre double d’une “poétique presque aveugle parfois sans titre, sans histoire, sans direction” selon Violette Garnier, sa fille.
Dès lors, et comme aurait pu dire Mallarmé, rien n’aura lieu que son lieu, rien que ce langage double où les lecteurs peuvent encore s’y retrouver plantés, étonnés et fixés face à de nouvelles perspectives qui débordent et n’ont jamais cessé.
jean-paul gavard-perret
Collectif, Les deux soleils de Pierre Garnier – Hommage, L’herbe qui tremble, premier trimestre 2024 p., 144 p. — 12,00 €.