La démarche est dynamique, cependant monolithique
Un grand panneau blanc en front de scène prive les comédiens d’espace et les cantonne à proximité du public, astreints à leurs relations qui s’engagent de façon pressante. Manifestement, l’essentiel se passe ailleurs, puisque nous sommes dans les coulisses d’une réception d’hôtes importants. Les êtres qui dialoguent entrent d’emblée en tension, leur caractère trempé les oppose. Soudain le mur blanc sert d’écran sur lequel est projetée l’image géante du maître des sorts, savoureusement ambigu. L’îlot d’harmonie sur lequel la scène s’ouvre enfin, le foyer d’un couple heureux, apparaît miné. De fait, l’intervention d’un moraliste vient remettre en cause les conditions du bonheur artificiellement construit par les rescapés de leur passé. Le texte est tramé comme une plongée dans le temps, une investigation obstinément menée par le moralisateur pour épurer les faits de leur sombre facture.
Le décor est sobre, efficace ; il présente des variations épousant les inflexions de l’intrigue : exposition frontale des personnalités, chaleureux havre de paix familial, basculement irréversible à terme. Le travail présenté est de grande qualité ; les acteurs sont efficaces, la mise en scène est impeccable, irréprochable sans être inspirée. Le propos est ferme, tendu et dynamique, bien que l’élucidation de toutes les irrémédiables fautes apparaisse longue, comme interminable. La démarche est dynamique, cependant monolithique, homogène à la mécanique implacable construite par Ibsen. Une représentation savamment construite, bien servie par une troupe bien guidée. Certes, le jeu des acteurs, constant, peut apparaître insuffisamment nuancé. Sans soulever l’enthousiasme, Stéphane Braunschweig se montre à la hauteur de ses prétentions en produisant une représentation classique au bon sens du terme.
christophe giolito
Le canard sauvage
de Henrik Ibsen
mise en scène et scénographie : Stéphane Braunschweig
Photo © Elizabeth Carecchio
avec
Suzanne Aubert, Christophe Brault, Rodolphe Congé, Claude Duparfait, Luce Mouchel, Charlie Nelson, Thierry Paret, Chloé Réjon
et la participation de Jean-Marie Winling
Un grand panneau blanc en front de scène
Traduction du norvégien Éloi Recoing
Collaboration artistique Anne-Françoise Benhamou
Collaboration à la scénographie Alexandre de Dardel
Costumes Thibault Vancraenenbroeck
Lumières Marion Hewlett
Son Xavier Jacquot
Maquillage et coiffures Karine Guillem
Assistante costumes Isabelle Flosi
Assistante à la mise en scène Pauline Ringeade
Stagiaire David Belaga
La traduction d’Eloi Recoing a paru aux Editions Actes Sud-Papiers (2008).
Création à La Colline, production La Colline, théâtre national,
15, rue Malte-Brun — 75020 Paris.
Grand Théâtre, du 10 janvier au 15 février 2014, durée 2h30 environ
du mercredi au samedi à 20h30, le mardi à 19h30 et le dimanche à 15h30
Réservations 01 44 62 52 52 ; billetterie en ligne
Tournée : CDDB — Théâtre de Lorient du 26 au 27 février 2014
Théâtre Dijon Bourgogne — CDN du 15 au 19 Avril 2014