Le photographe Paolo Roversi et le philosophe Emanuele Coccia ont choisi une correspondance qui s’articule autour de la lumière. Elle prend comme point de départ des considérations du photographe, parfois techniques et toujours poétiques, auquel le philosophe répond en élargissant au champ plus vaste.
Les deux auteurs laissent apparaître des personnalités singulières. Ils trouvent les interstices pour la métamorphose et, afin d’entrer en symbiose, découvrent la clé : la lumière qui nourrit le noir pour l’effacer. Et il n’existe pas une autre manière de savoir.
Tout s’y articule car la lumière devient le lieu où le chemin se perd de la terre au ciel dans la profondeur des rythmes premiers. Reste ce rayonnement pour irradier la nuit. Il viole le noir afin trouver la force d’exister.
S’annonce alors le sens d’un long devenir. Il faut suivre ses traces des mondes oubliés. La lumière dénude, nous arrache hors de tout point d’appui, même si l’image ne fait que passer, comme si elle ne permettait que d’entrevoir l’essentiel, et comme si, sans elle, aucune vérité ne pouvait être fixée.
Ce qui paraissait roc se creuse, se volatilise pour laisser place jusqu’à la crue d’un fleuve intérieur laissant surgir une émotion où le désir brille en plein jour. C’est pourquoi, ici, la lumière n’est pas sans rappeler ce que Plotin appelle “hypostase”. Surgit une réalité à la fois concrète et intelligible, impalpable et sensible.
jean-paul gavard-perret
Emanuele Coccia & Paolo Roversi, Lettres sur la lumière avec un texte d’Erri De Luca, avant-propos de Chiara Bardelli-Nonino, Livres d’Art, Gallimard 2024, 168 p.. — 22,00 €.