Carole Carcillo Mesrobian, nihIL & Octobre

Dès le com­men­ce­ment, la répétition

Pour Carole Car­cillo Mes­ro­bian, “Nos paroles ne peuvent contour­ner notre illu­sion du vide qu’en tra­his­sant nos ten­ta­tives de nous taire”.
Et c’est ainsi qu’après avoir voulu taire l’espace afin de résoudre notre chute, l’auteure opte pour une autre voie voire une autre pompe (sans mettre rien de néga­tif dans ce terme).

Dans un espace de silence, l’auteure à tra­vers l’adresse à cet ambigu Il (celui du nihil) crée une étrange prière. Ce “Il” devient un double du “Je” de la créa­trice de la même manière que dans “Octobre”, Alain Bris­siaud se met en “repons” dans un exer­cice de soli­tudes à deux jusqu’à cette “fin de par­tie” becket­tienne qui per­dure dans un exer­cice de rap­pro­che­ment et éloi­gne­ment qui per­met au dur désir de durer sur ” “l’impossible dis­tance irré­duc­tible de l’existence”.
Carole Car­cillo Mes­ro­bian conti­nue ainsi sa recherche de l’existence là où — après des auto­por­traits en creux — elle ose dres­ser sa voix. Certes bles­sée par la vie, échouée sous diverses pluies reste “de ce voyage comme un aller perdu” mais où pour autant se cherchent des points de hal­lages en dépit des obs­tacles internes et externes.

En dehors d’une pro­pen­sion par­fois à l’abstraction phi­lo­so­phique du lan­gage, tout est dit en sobriété et finesse, en litotes et apo­ries dans ce qui tient tou­jours de l’appel, de l’abordage, de l’arrimage même s’il existe chez l’auteure tant de freins ici sans doute d’une cause pre­mière dont ça et là peuvent s’ouvrir des indices.
Mais l’épreuve de la sépa­ra­tion appa­raît comme un pas­sage aussi obligé qu’éternel. Tou­te­fois, chaque texte tente de fra­cas­ser non seule­ment le non dit mais un mur infran­chis­sable. Carole Car­cillo Mes­ro­bian pro­pose ainsi dans ces deux textes deux visages de l’altérité en ce qui tient mal­gré tout d’un éter­nel retour de l’amour et “la cap­ta­tion des espaces de chair” d’où divers jeux de reprises qui montrent ce que Michaux avait com­pris : à savoir, dès le com­men­ce­ment la répétition.

Certes, rien n’est for­cé­ment donné mais la cause comme le but per­sistent. His­toire d’offrir une pos­si­bi­lité d’existence dans une coïn­ci­dence jusque-là impé­né­trable et défaite avant même d’exister. C’est la dimen­sion capi­tale d’une oeuvre qui ne se paie pas de mots. Là où après tout importe moins la chro­no­lo­gie des faits que l’axe de vie d’un vide qui tente pour­tant de créer un rou­le­ment capable de pro­vo­quer la dis­lo­ca­tion qui sont don­nées ou que l’on se fixe.

jean-paul gavard-perret

Carole Car­cillo Mes­ro­bian,
– nihIL
, édi­tions Uni­cité, Saint Ché­ron, 2021, 48 p. — 12,00 € ,
Octobre (avec Alain Bris­siaud), PhB Edi­tions, Paris, 2021, 68 p. — 10,00 €.

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