Elizabeth Prouvost capte les corps nus en mouvement. Son génie : anticiper d’une seconde l’image qu’elle veut en donner. Les formes tendent alors vers l’informe mais c’est paradoxalement là qu’un formalisme neuf se crée, comme se produit le trouble irrécusable. Dès lors, Elizabeth Prouvost n’illustre pas Madame Edwarda comme l’avaient fait en leurs temps et selon deux axes différents Magritte et Bellmer.
C’étaient des visions très (trop ?) masculines. Son Edwarda est tout autre et comme il est écrit dans la préface du livre catalogue : « elle n’est pas conçue dans les marges du livre de Bataille ». La photographe le transpose en se moquant de tout travail d’illustration. Le propos figural prend une autre envergure. Il n’y a là — et pour faire simple — ni putes ni saintes.
L’artiste retient la perte et le gain de soi dans l’éclatement de l’orgasme. Certes, dans quelques plans peuvent se reconnaître les « guenilles » d’Ewarda, mais ce n’est que fugitif et pas question de s’appesantir sur ce qu’elles sont et cachent, « velues et roses, pleines de vie comme pieuvre répugnante » qui terrifiait le narrateur.
Le mouvement prouve ici ce qui se passe dans la jouissance. Nulle immobilité mais le bond. Et il en va de même avec Marie-Madeleine. Elle n’a plus rien à voir avec celle du Caravage qui semble dormir. Pour autant, et comme le souligne dans le catalogue Véronique Bergen, la Sainte semble « la chienne qui se traîne aux pieds de son Dieu, elle s’annihile, mirage en dévotion, oignant les parties sacrées du Christ. Dans son attente d’un amour au-delà de l’humain, elle s’abolit dans l’ombre du prophète émacié ». Néanmoins, la philosophe belge tire un peu – si l’on peut dire – la couverture à elle dans une interprétation qui fait la part trop belle à l’amour christique.
Edwarda et Marie Madeleine restent avant tous les pécheresses qui résistent aux insultes comme aux prières de leurs profanateurs ou celui que la seconde adore . Il existe en conséquence chez Elizabeth Prouvost des portraits crachés de celles qui échappent au sacrifice comme à l’adoration.
jean-paul gavard-perret
Elizabeth Prouvost, Les saintes de l’Abîme, (exposition), du 20 juillet au 2 septembre 2018, Jardins de la Maison Jules Roy, Vezelay.