L’intarissable attente de l’incarnation : entretien avec l’artiste Annabel Aoun-Blanco

Lœuvre d’Annabel Aoun-Blanco pousse vers la limite le dépouille­ment des images entre un mou­ve­ment de vie et d’extinction. Le spec­tacle annule le spec­tacle. Tan­dis que le voyeu­risme fonc­tionne géné­ra­le­ment sur un effet de clarté — une clarté qui feint de don­ner quelque chose à voir –, l’artiste l’écarte : l’image devient l’ombre d’elle-même, l’ombre qui révèle tout, sauf elle-même. L’image est dépla­cée, empor­tée en quelque sorte vers quelque chose qui ne peut que s’entrevoir, dans une sorte de cruauté d’un nou­veau genre, une cruauté qui pré­side à la perte de l’image.
La créa­trice ne cherche pas à don­ner à l’image la valeur d’un fan­tôme inté­gral du réel. Sans vou­loir non plus créer avec elle de l’irréel, ni décrire des fan­tasmes ou des hal­lu­ci­na­tions véri­diques. L’Imaginaire fait fonc­tion­ner l’image sur un autre registre. Elle devient un « objet » impal­pable capable d’appréhender un invi­sible, un “je ne vois pas”, qui va à l’encontre de ce que le voyeur habi­tuel­le­ment s’attend à voir.

Anna­bel Aoun Blanco,  Des­voi­lés, Gale­rie Eli­za­beth Cou­tu­rier, 10 sep­tembre — 9 octobre 2016.

Entre­tien :

Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Mon travail.

Que sont deve­nus vos rêves d’enfant ?
Mon tra­vail, mon âme.

A quoi avez-vous renoncé ?
A Tout sauf l’amour pour mon travail.

D’où venez-vous ?
Nulle part, par­tout, ailleurs

Qu’avez-vous reçu en dot ?
Une rai­son de vivre, res­ter en vie, et de com­battre mes démons pour m’aimer davantage.

Un petit plai­sir — quo­ti­dien ou non ?
Dan­ser, aimer, donner.

Qu’est-ce qui vous dis­tingue des autres artistes ?
Rien, cha­cun porte en lui quelque chose, il ne dépend que de lui de le trouver.

Com­ment définiriez-vous votre approche du por­trait et de sa “dis­pa­ri­tion” ?
Le cycle de la vie et de la mort, l’un comme l’autre n’existent pas, la vie est dans la mort et la mort est dans la vie. Le por­trait appa­raît autant qu’il disparaît.

Quelle est la pre­mière image qui vous inter­pella ?
Le visage oublié de ma mère.

Et votre pre­mière lec­ture ?
« Le petit prince ».

Quelles musiques écoutez-vous ?
Tout, en fonc­tion de mon humeur, chaque musique suit et raconte un moment dans l’histoire de ma vie.

Quel est le livre que vous aimez relire ?
« Le petit prince ».

Quel film vous fait pleu­rer ?
« Mau­vais sang » de Leos Carax, le pas­sage avec la musique de David Bowie.

Quand vous vous regar­dez dans un miroir qui voyez-vous ?
Je me regarde rare­ment dans le miroir, les pho­tos de moi me parlent plus. Dans le miroir, je vois uni­que­ment ce que j’ai envie de voir.

A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
A per­sonne, j’adore écrire j’écrie tout le temps, mon his­toire, mes res­sen­tis, mes dif­fé­rentes étapes dans ma vie.

Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
La terre.

Quels sont les artistes et écri­vains dont vous vous sen­tez le plus proche ?
Bill viola, « Une femme sous influence » de John Cas­sa­vetes, « Peter Pan », « Alice aux pays des mer­veilles », « La chambre claire » de Roland Barthes, Mary Pop­pins, Jack­son Pol­lock, Leos Carax, Andrei Tarkovski.

Qu’aimeriez-vous rece­voir pour votre anni­ver­saire ?
La pré­sence de quelqu’un que j’aime.

Que défendez-vous ?
Je me défends moi.

Que vous ins­pire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est don­ner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Cela s’appelle la géné­ro­sité, aimer = je veux que tu sois heureux.

Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la ques­tion ?“
Il n’y a pas de réponses, il n’existe que des questions.

Quelle ques­tion ai-je oublié de vous poser ?
Qui suis-je ? Car cette ques­tion est infinie.

Pré­sen­ta­tion et entre­tien réa­li­sés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire;com, le13 sep­tembre 2016.

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