Prenant la photographie pour glaive, Seb Janiak garde une âme de chevalier. Il lui reste sa soif de l’Aventure. Il loge l’air dans sa plèvre d’écorce pour nous séparer de notre propre pensée : la nuée se change en particules. Anges et démons ne se suffisent plus : l’artiste n’a pas besoin d’en rouler les cargaisons. Les cycles visibles s’écartent là où l’ésotérisme n’est pourtant qu’une des approches possibles. Se franchit le seuil de l’invisible par divers types d’oscillations, de révolutions et de bulles.
L’œuvre devient une mémoire jupitérienne puisque Seb Janiak réanime la vie en gestation. Ce qui s’est inscrit ou s’est caché en diverses cultures prend une fraîcheur nouvelle et une allégresse des couleurs et des formes. L’artiste sépare et unit. Sépare pour réunir. La mythologie devient une musique des formes et des couleurs : elles sont tenues presque comme si elles ne voulaient pas être lâchées tant une histoire veut remonter. Et dans un nuage de gaz, elles deviennent très fortes : leur intensité accapare, déborde.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
La lumière et l’envie d’aller pisser.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Je les vis depuis 30 ans et cela n’est pas prêt de s’arrêter.
A quoi avez-vous renoncé ?
À l’autodestruction.
D’où venez-vous ?
De ma conscience et d’une matrice informationnelle hors de l’espace et du temps.
Qu’avez-vous reçu en dot ?
L’intuition et la capacité créatrice.
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Une petite pâtisserie française.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes ?
Je ne sais pas.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
La nature est le plus grand des artistes.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
-.
Et votre première lecture ?
Philip K Dick et Norman Spinrad.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
« Rock Machine ».
Quel(s) lieu(x) a(ont) pour vous valeur de mythe ?
Tous les lieux construits sur des cheminées telluriques et autres vortex géobiologiques, je parle des temples anciens, églises compris.
Comment définiriez-vous votre approche générale de la photographie ?
La photographie n’est qu’un outil parmi d’autres qui me permet de mettre en lumière une autre réalité, une réalité plus étendue.
Quand avez-vous compris que le visible était la manifestation de l’invisible ?
Je l’ai toujours senti, intuitivement et j’ai eu pas mal d’expériences avec un chaman. La vision matérialiste n’explique rien et ne permet aucune ouverture de conscience.
Par quelles étapes techniques et poétiques avez-vous effectué le passage de l’aspect relatif du monde phénoménal à son aspect « absolu » ?
Par la chaîne de transfert de l’information qui commence hors de l’espace-temps, dans une matrice informationnelle et finit par émaner dans notre dimension en se cristallisant. La manifestation dans notre espace-temps est alors quantifiable, mesurable et visible d’une certaine manière. Chaque forme, chaque force requièrent un médium adapté pour se laisser voir (ferrofluide pour les champs magnétiques par exemple).
Quel type d’information spécifique peuvent fournir vos images ?
qu’une information sous jacente existe à à notre monde phénoménal. (les religions l’appelle Dieu).
Considérez-vous vos nouvelles œuvres comme une imagerie (au sens binaire du terme) ou comme une « simple » image (qui comme le précise Georges Didi-Huberman n’est jamais simple) ? Comme une simple image qui n’est jamais simple ! Car la prise de vue n’est que la fin d’un long processus de recherche, d’expérimentations et de construction d’installations permettant de visualiser une force particulière (résonances, vibrations, gravité, champs magnétique, champs morphogénique)
Vous définiriez-vous comme le photographe de la matière et de son vide ?
Oui, si vous vous limitez à la matière, car le vide tel que vous l’énoncez n’est qu’une matière diluée. Le vide n’est pas hors du temps ni de l’espace.
Votre travail reste avant tout transcendant ? Le rattachez-vous à une tradition précise et laquelle ?
Il pourrait se rattacher à une forme d’ésotérisme ou d’occultisme, une sorte de quête spirituelle afin de comprendre dans quelle réalité vivons-nous.
Vous écrivez que « La matière est une illusion » : en contrepoint ‚considérez vous vos images comme illusion de la matière ?
Oui, tout à fait, je ne fais que soulever un peu plus le voile de la matière.
A la manière de Proust — mais selon bien sûr d’autres voies -, êtes vous à la recherche de ce qu’il nomme « le temps pur » ?
Pas du tout, le temps n’est qu’une des conséquence de la lecture de l’information par la conscience. La conscience est au cœur de tout et elle est dans tout.
Photographier le microcosme, n’est-ce pas faire retour au macrocosme ?
Oui, c’est l’analogie préféré des Occultistes. Tout et dans tout et réciproquement. Etudier le microcosme, c’est étudier par analogie le macrocosme.
Pourquoi n’utilisez-vous — pour la mise en image de la manifestation des forces invisibles — aucune transformation numérique ?
Pour un souci de transparence et de respect concernant la beauté naturelle des forces qui se sont manifestées. Aussi, étant l’un des pionniers de l’image numérique et des outils de post-production, je m’en suis volontairement éloigné à cause d’un constat : aujourd’hui, tout le monde peut avoir accès à Photoshop ou autres, cela n’a aucun intérêt pour moi de continuer dans cette voie-là.
« A l’échelle de l’infiniment petit, la matière n’existe plus en tant que tel, elle correspond à des vibrations », écrivez-vous : en ce sens vous sentez-vous proche des images de la matière telles que le CERN, avec son anneau de vitesse, donne à voir ?
Le CERN donne à voir des images factuelles, brutes tout comme moi. Mais les chercheurs du CERN n’ont pas de volonté artistique et de mise en lumière ou de cadrage ou de mise en scène.
Définiriez-vous vos images comme une morphogénèse ?
Oui, pourquoi pas, car il s’agit bien d’un ensemble de forces invisibles, structurées et complémentaires.
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Je crois que c’est déjà suffisant…
Présentation et entretien réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 6 avril 2016.