Robin Recht, Conan le Cimmérien – t.04 : « La Fille du géant du gel »
Un tourbillon de désir brutal…
Si Robert Erwin Howard a eu des débuts difficiles, il avait acquis une certaine notoriété avec sa série des Solomon Kane. C’est en 1932, lors d’un séjour dans le sud du Texas, qu’il a l’idée de Conan et de la Cimmerie. Si Le Phénix sur l’épée est la première nouvelle parue avec Conan, celle-ci avait été écrite avec Kull, le roi atlante. La Fille du géant du gel a été écrite spécifiquement pour le Cimmérien. Mais ce texte quelque peu atypique, érotique, barbare, ne trouve pas de débouchés dans l’Amérique puritaine. La censure est féroce à cette époque et elle n’a guère évolué depuis !
La nouvelle finit par paraître gracieusement sous le titre Gods of the North, dans The fantasy fan, une revue éditée par un amateur éclairé, alors qu’Howard l’avait intitulé The Frost King’s Doughter. Il est vrai qu’au premier abord la nouvelle pourrait se résumer à la course, dans la neige, d’un guerrier rendu fou de désir. Mais, Howard ne souhaitait-il pas, avec ce barbare, revenir aux fondamentaux de l’existence, aux besoins basiques de l’individu qui est de survivre dans un monde, à priori, hostile tant par la nature que par les autres habitants de la planète ? Survivre en se débarrassant de ceux qui présentent un danger, survivre en se donnant une descendance d’où la nécessité de trouver à procréer. Howard s’inspire très largement de récits mythologiques, tant nordiques que méditerranéens, qu’il adapte, qu’il malaxe pour en faire une histoire correspondant à sa vision du moment.
Une jeune femme s’adresse à son père. Elle voit les hommes du Nordheim s’enfoncer dans le froid et la neige pour livrer un combat ancestral. À chaque printemps, les Aesirs et les Vanirs s’affrontent sur un lac gelé. Le vrai héros qui ressort du combat est alors présenté à Ymir, le Géant du gel par sa fille, la déesse, la belle et indomptable Atali. Cette déesse aime sentir la rage des mortels qui s’entretuent, les hurlements, les déchirures, les têtes tranchées, les chairs en lambeaux.
Arrive Conan qui se retrouve face à Heimdul, le guerrier qui n’a jamais connu la défaite. Mais la déesse n’est pas facilement accessible et Conan va l’apprendre dans la douleur…
Robin Recht, pour la mise en images, réussit un remarquable passage d’un texte écrit à un visuel, restaurant toute la sauvagerie de la bataille, la rage des combats, restituant tout l’érotisme que dégage cette déesse quasiment nue. Le voile arachnéen qu’elle porte autour des hanches, se voulant un écran symbolique de sa féminité, renforce avec les effets de la course, l’attrait de ce sexe divin que convoite Conan.
Un album qui se remarque par la qualité graphique, par la densité émotionnelle des images, par la fureur des sentiments dans un monde primaire.
serge perraud
Robin Recht (scénario, dessin et couleurs d’après l’œuvre de Robert E. Howard), Conan le Cimmérien – t.04 : La Fille du géant du gel, Glénat, coll. « Conan le Cimmérien », décembre 2018, 80 p. – 14,95 €.