Monica Sabolo, Crans-Montana

Monica Sabolo, Crans-Montana

Une plongée au cœur des années 60-70 aux côtés d’une jeunesse dorée

Les trois ‘C’, comme on les surnomme, sont la coqueluche de la station de ski suisse huppée Crans-Montana. Chris, Charlie, Claudia sont trois adolescentes dont le charme et la beauté font tourner les têtes des garçons. Et des années plus tard, aucun ne les a oubliées. Le roman commence d’ailleurs par les souvenirs des garçons. La narration sera alternée tout au long de ce court roman, qui couvrira plusieurs époques, mais principalement la fin des années soixante.
Les Trois ‘C’ sont indissociables, mais aussi insaisissables pour la plupart des gens qu’elles côtoient. Leur jeunesse et leur beauté sont convoitées, aussi bien par le beau Franco, fils de l’épicier et homme à tout faire de la station, que par des adultes français ou italiens de passage. Chacune a un style bien différent, mais leur origine sociale et quelques secrets les soudent. Pour elles, aucun souci matériel, le paraître est le maître mot dans cette station de ski. Et pourtant, les privilèges que donne l’argent n’empêcheront en rien de voir s’effriter les rêves d’amour pur et de réussite que peut avoir toute adolescente. Les désillusions et les drames vont apparaître très rapidement, et de lourds secrets ne seront dévoilés que bien des années plus tard, au fur et à mesure des témoignages de ceux qui les ont approchées.

Crans-Montana pourrait paraître, au début, d’un ennui mortel. Qui pourrait se sentir touché par cette jeunesse riche, superficielle, uniquement soudée par l’argent, semble-t-il ? Il faudra quelques pages pour que ce sentiment s’estompe. Car la narration alternée et l’aller-retour entre les différentes époques permet au lecteur de trouver de plus en plus d’intérêt dans ces vies qui, bien que dorées et glamours, finissent par perdre tout éclat.
Les familles dépeintes, avec un style mordant parfois, portent en elles les blessures de la seconde guerre mondiale, comme le témoignent les cadres des disparus qui ornent leurs salons. Les adultes ne portent que peu d’intérêt à leur progéniture : les pères sont occupés à faire fructifier avec plus ou moins d’honnêteté leur héritage, et les mères jouent leur rôle d’épouses parfaites en soirée dans des robes hors de prix. Comment ne pas alors présager des drames qui s’annoncent ?

Chris, Claudia, Charlie vont voir leur insouciance, leur naïveté disparaître rapidement. Quand mai 68 arrivera, chacun pensera être passé à autre chose : les parents ne penseront qu’à sauver leurs biens alors que les jeunes adultes seront dépassés par les combats qu’ils mènent. Et les fêlures s’ouvriront pour devenir des gouffres qui auront de lourdes conséquences quelques années plus tard.
La narration s’essouffle parfois, car les activités de ce beau monde sont souvent répétitives, et la nostalgie que semble vouloir transmettre l’auteure, ne nous atteint pas suffisamment. Crans-Montana survole peut-être un peu trop les époques, même si l’histoire est principalement ancrée dans les années soixante. Les sentiments restent cependant bien décrits et compensent les inégalités du roman. Le style émouvant et parfois de Monica Sabolo laisse à la fin un goût de chocolat amer en bouche. L’air des alpages ne permet pas d’effacer la sensation d’étouffement qui nous engloutit, comme ces jeunes filles aux illusions perdues.

franck boussard

Monica Sabolo, Crans-Montana, Pocket, 2017, 190 p. – 6, 95 €.

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