Kid Toussaint & Servain, Holly Ann – t.04 : « L’Année du dragon »

Kid Toussaint & Servain, Holly Ann – t.04 : « L’Année du dragon »

Marronnage et opium…

Avec le Ku Klux Klan, il y a toujours une intrigue possible. Ici, les actions de ces « courageux » cagoulés portent sur le marronnage. Le terme de marron est issu de l’espagnol
qui se traduit par fuir, s’échapper. Initialement ce mot s’appliquait aux animaux domestiques en fuite et qui devenaient sauvages. Il a été employé dans les colonies, dans les États du Sud des USA, aux blancs qui partaient, face aux mauvaises conditions de travail, avant de s’appliquer aux esclaves noirs qui s’échappaient de chez leur maître. Si ce mouvement a été anecdotique, il atteint un haut niveau au XVIIIe siècle amenant les fuyards à constituer de véritables villages, communautés.

Holly et Lando, guidés par Nysa, s’enfoncent dans le bayou à la recherche de l’île où se sont réfugiés des esclaves noirs en fuite. Les Marrons y ont formé une colonie très discrète. Lorsqu’ils abordent, ils distinguent des cadavres. Tout le village a été massacré. Holly suspecte un retour du Klan, hypothèse étayée par la découverte de la « célèbre » cagoule. Nysa découvre, sur les lieux, un flacon avec une étiquette symbolisant un dragon noir. Holly se souvient, il y a sept ans, de sa rencontre avec un chasseur du nom d’Ezekiel Duroy, dans un bar de Storyville. Ils avaient fait connaissance, puis elle l’avait invité chez elle pour qu’il lui raconte ses exploits.
Elle se lance sur la piste du dragon noir, cet opium très fortement dosé, persuadée qu’il est en lien avec le massacre. C’est Tony le croque-mort qui a, un temps, trempé dans le trafic d’opium qui lui livre un nom dans Chinatown,  Gao Wang ou Wang Gao, il ne sait plus avec précision. Ces Chinois sont tellement compliqués et ils se ressemblent tous. Mais qui dit trafics dit dangers et sur la route de l’intrépide jeune femme ils ne manqueront pas…

Avec Holly Ann, cette jeune femme qui exerce des fonctions d’enquêtrice amateur dans la Nouvelle-Orléans, le scénariste fait acte d’historien appuyant ses intrigues sur des situations réelles dans la région. Le marronnage, le trafic d’opium, le partage du territoire en paroisses, la traque des fuyards… Mais, Holly Ann a un léger défaut, elle ne peut se lier à quelqu’un sans lui prendre quelque chose. Ainsi, lorsqu’elle s’est rapprochée d’Ezekiel elle lui a ôté son talent de traqueur, celui-ci ne l’utilisant plus que pour des causes pitoyables.
Le dessin de Servain sert magnifiquement le scénario, synthétique, semi-réaliste, il restitue l’atmosphère des lieux, les sentiments des protagonistes de belle manière. Son trait subtil, gracile, donne une impression de légèreté qui convient fort à l’esprit de récit, au caractère de l’héroïne, dans ces bayous embrumés.

Ce quatrième tome assoit la série dans une qualité qui se renforce d’album en album. Le choix et le traitement des intrigues, l’héroïne et la galerie de personnages qui l’entoure, le cadre et le graphisme forment une composition que l’on a grand plaisir à retrouver.

serge perraud

Kid Toussaint (scénario) & Servain (dessin et couleurs), Holly Ann – t.04 : L’Année du dragon, Casterman, septembre 2018, 48 p. – 13,95 €.

 

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