James MC Cearney, David Lloyd George

James MC Cearney, David Lloyd George

Le Père la victoire britannique

Le portrait que l’historien britannique James Mc Cearney trace de David Lloyd George, Premier ministre du roi George V pendant la Grande Guerre et à ce titre architecte de la paix de 1919 avec ses alliés français et américain, mérite que l’on s’y arrête.
Brillamment écrite, avec toute la dose nécessaire d’humour british, cette étude nous fait découvrir un homme politique peu ragoûtant en vérité. Certes, celui qui fut le seul Premier ministre gallois de l’histoire du royaume ne manquait pas d’intelligence et encore moins de capacités de travail. Capable de s’adapter aux circonstances, il manœuvrait avec habileté pour arriver à ses fins.

C’est une marque des grands fauves de la politique. D’un charisme extraordinaire, il savait parler à la foule, convaincre les électeurs, les séduire. Lloyd George fut surtout le centre d’impulsion de l’effort de guerre, et ce dès 1914, mais encore plus une fois installé au 10 Downing Street. Il a incontestablement marqué l’histoire de son pays.

L’autre apport de la biographie concerne la personnalité même de Lloyd George. Avec une grande honnêteté intellectuelle, l’auteur ne cache rien des travers de cet homme. Sans jamais se faire juge ou moralisateur, il reconnaît qu’il y existait un abîme entre ce que Lloyd George prêchait (le terme est adéquat car il a toujours évolué dans les milieux religieux dits non conformistes, protestants et moraux) et ce qu’il faisait.
Égocentrique forcené, il aimait l’argent jusqu’à flirter avec des milieux douteux, mais aussi les femmes, trompant constamment la sienne, y compris avec une jeune femme à laquelle il imposa deux avortements. Père de la victoire, il finit par être grisé par le pouvoir, critiquant les institutions parlementaires britanniques, méprisant le souverain et le Parlement. Admirateur d’Hitler, il vit en lui un homme de paix et défendit avec force la politique d’appeasement.

Enfin, l’auteur consacre une bonne partie du livre et avec force détails à la vie politique britannique d’avant 1914, permettant au lecteur de beaucoup apprendre sur cette période où les convulsions étaient très nombreuses et vives (suffragettes, Irlande, privilèges de l’Église anglicane) et sur le fonctionnement des institutions anglaises.
Ce n’est pas inutile en ces temps de crise sur fond de Brexit.

Ceux qui n’appréciaient pas Lloyd George avant de lire cette excellent étude l’aimeront encore moins après. Preuve de l’honnêteté scientifique de son biographe.

frederic le moal

James MC Cearney, David Lloyd George, Paris, Pierre-Guillaume de Roux, janvier 2019, 260 p., 25 €

Laisser un commentaire