Aurélien Lignereux, L’Empire de la paix. De la Révolution à Napoléon : quand la France réunissait l’Europe
Traditionnellement, la paix dite impériale est présentée comme une paix négative, car fondée sur la force et la domination, sur la puissance du conquérant dont la disparition ou la chute entraîne celle de son empire. Celle de Napoléon n’échappe pas à la règle. La rapidité du délitement du Grand Empire confirme la fragilité des piliers sur lequel il avait été bâti.
De surcroît, l’hégémonie de la France a, par contrecoup, favorisé la naissance ou la montée des nationalismes qui seront la grande caractéristique du XIXème siècle. Sans remettre en cause ces évidences, Aurélien Lignereux nous offre une vision beaucoup plus nuancée de ce que fut le système impérial français.
Certes, explique-t-il, Napoléon jette aux orties les justifications des frontières naturelles que déjà la Révolution avait piétinées. Il usa des arguments historiques sur une Gaule aux limites bien étendues, avant de se raccrocher à l’Empire de Charlemagne pour finir à celui de Rome.
Les impératifs de sécurité ont en fait davantage pesé ainsi que la logique impériale à l’œuvre en Europe: « Les réunions, écrit l’auteur, sont une réponse aux agrandissements effectués par les rivaux ; elle sont une nécessité vitale dans un monde d’empires. » L’Empereur avait ainsi une vision mondialisée des enjeux de puissance.
Mais surtout, Aurélien Lignereux décrit, d’une manière précise et fort convaincante, un processus peu connu, celui d’une francisation des populations conquises, en tout cas des notables, au sein d’un ensemble fondé sur l’égalité juridique et les bouleversements des anciennes structures nobiliaires. Des « étrangers » devinrent ainsi maires ou préfets en France.
« Avant d’être des Belges ou des Piémontais, ces préfets sont de parfaits représentants de l’État central et d’un idéal d’ordre, de développement et d’esprit public. » Les défaites ont ainsi brisé une fusion en construction en même temps que s’est délité tout le système de sécurité mis en place avec les Etats satellites et alliés.
Tout cela aurait-il pu déboucher sur une homogénéisation impériale et faire de la paix du 1er Empire une paix positive ? L’auteur le pense, et ce d’autant plus que les restaurations de 1814 se caractérisent, à part en Espagne, par une absence de règlements de compte contre les Français et d’épuration.
A l’inverse, aucun mouvement de nostalgie ne s’est dessiné en faveur des départements perdus, même si l’irrésistible mouvement qui pousse les Français vers le Rhin et la plaine du Po ne s’arrêtera pas avant longtemps.
frederic le moal
Aurélien Lignereux, L’Empire de la paix. De la Révolution à Napoléon: quand la France réunissait l’Europe, Passés/Composés, janvier 2023, 408 p. – 23,00 €.