François Jullien, De l’intime, Loin du bruyant amour

Faut-il pré­fé­rer l’intime à l’amour ?

Faut-il sacri­fier aux rites et aux mythes de l’amour, ou bien célé­brer cette pos­si­bi­lité douce et neuve que nous offre l’intime ? L’amour, sur­tout le vrai, reste un dis­cours, un récit, qui se déroule d’une décla­ra­tion à une rup­ture. Tout semble dit d’emblée dans ce « je t’aime », idéa­le­ment réci­proque, où cha­cun défi­nit l’autre comme son objet exclu­sif. Kant, déjà, ne voyait-il pas dans le mariage un étrange contrat de pro­priété mutuelle que sa seule réci­pro­cité dis­tin­guait de l’esclavage pur et simple ? L’amour est un roman de l’autre au loin, qui échoue bien sou­vent là où l’intime réus­sit d’emblée.
Jul­lien ne signe pas ici un livre contre l’amour, mais sur et pour l’intimité, ce lien per­pé­tuel et pour­tant neuf, où s’évanouissent les dis­tances. Car l’intime, c’est là sa magie propre, dis­sipe les fron­tières. Dans l’intime le dedans cesse de s’opposer à un dehors, comme quelque ligne de front, sépa­rant à jamais les pro­ta­go­nistes des opé­ra­tions amoureuses.

Prendre l’intime pour objet, c’est aller, au-delà de l’objet ou même du sujet, vers ce qui dans le sujet, à la fois le lie à l’autre et l’empêche d’être objet. Car l’intime est cette inten­sité du dedans qui me rend com­plice du dehors, comme si mes tré­fonds  trou­vaient enfin en eux-mêmes la voie d’un pair et d’un égal.
Comme on voit, plu­tôt que d’évincer l’amour, il s’agit plus, au fond, de don­ner à la morale son vrai point de départ. En sui­vant le silence des antiques sur l’intime, le glis­se­ment de l’intime depuis Dieu jusqu’à l’homme, la pers­pec­tive, enfin, de vivre à deux, Jul­lien donne plus que du vrai : il donne du sens.

jean-paul gali­bert

Fran­çois Jul­lien, De l’intime, Loin du bruyant amour, Gras­set, fév. 2013, 250 p. — 19,00 €.

1 Comment

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One Response to François Jullien, De l’intime, Loin du bruyant amour

  1. Villeneuve

    Jean-Paul et Jean-Paul expriment d’une manière per­ti­nente , inno­cente et trans­pa­rente la prio­rité de l’intime dont la pauvre langue de France manque de finesse et choi­sit trop sou­vent comme fourre tout le terme ” amour ” si vague et sans sens .

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