Laurence Skivée développe une œuvre dessinée très rigoureuse, avec des moyens volontairement réduits mais vers une sorte d’utopie de la vision. D’où la nécessité de cet échange entre la matière et l’image e l’intentsité d’une attention à l’espace par ce qui devient une “méthode” paradoxale de construction du réel par des idées de la poésie.
Le monde y devient un spectre. Et pour rendre compte de cette “spectralité,” il faut sans doute les transferts proposés par la créatrice. Ses diverses techniques d’inscription et de glissement saisissent le monde dans le dénuement d’une vision taciturne mais pourtant ardente et apaisée.
Les couleurs — le plus souvent du gris pâle au noir profond — et les formes parcimonieuses procurent des émotions lancinantes pour de subtiles sidérations par les interrogations de lignes Elles marquent une obsession, une hantise de l’entrave dont l’artiste veut libérer l’image mais en écho aussi l’écriture.
A ce titre, l’artiste pourrait faire sienne la phrase de Braque : “une toile blanche ce n’est déjà pas si mal”. Chez la créatrice, c’est même bien, car à la fin il faut toujours revenir à l’essentiel : l’image primitive et sourde proche du presque rien.
Laurence Skivée atteint l’essence de la clarté par ce dépouillement majeur là où l’art semble se dérober mais résiste pourtant de manière obsessionnelle.
jean-paul gavard-perret
Laurence Skivée & Tristan Sautier, Engorgements, dégorgements, Editions Bleu d’encre, 2024, 45 p.