Sur la planète au nom du dieu de la guerre
Usant d’un mode narratif qui lui sera familier, Edgar Rice Burroughs se déclare en possession de l’étrange manuscrit du capitaine John Carter. Il a connu cette personne hors norme et, conformément au vœu du personnage, ne rend publique son contenu que vingt-cinq ans après son décès. Il faut s’attendre à un récit étonnant car il a vécu sur la planète Mars.
D’abord soldat combattant pour le Sud lors de la guerre de Sécession, il est fait prisonnier après la défaite du 9 avril 1865. Il s’évade avec un compagnon, cherche de l’or dans la Wyoming. C’est en fuyant des indiens qu’il se cache dans une grotte d’où il est envoyé sur Mars. La différence de gravité lui donne des atouts dans les combats qu’il doit livrer. Il découvre le fonctionnement d’une communauté, apprend la langue et se retrouve rapidement impliqué dans la guerre que se livre les Martiens, entre le camp des Rouges, assez civilisés, et celui des Verts, des barbares féroces et nomades.
Il devient un personnage important. Aussi est-il aux premières loges quand arrive un énorme engin volant vite abattu. Il voit les cadavres des hommes et aperçoit une femme qui a survécu. Il s’agit de Dejah Thoris, fille de Mors Kajak. Elle menait une mission d’étude…
Ce livre est écrit alors que Burroughs n’a aucune expérience professionnelle dans ce domaine. Lorsqu’il a envoyé ses employés vendre des taille-crayons, qu’il a effectué quelques tâches qui lui incombent, il se met à l’écriture dans la plus grand secret par peur du ridicule. Il envoie une première partie au directeur de The All-Story Magazine, qui se montre intéressé. Quelques modifications, changements et le texte paraît de février à juillet 1912 sous le titre Under the Moons of Mars et sous le pseudonyme de Norman Bean.
Avec le sujet de ce roman, Burroughs se place au rang des grands pionniers de la science-fiction. Il met dans ce texte des références, des liens avec son passé, ses espérances, ses activités précédentes et les préoccupations raciales, philosophiques et politiques de l’homme de la rue de l’époque. D’ailleurs, n’avait-il pas signé son livre du nom de Normal Bean qu’un correcteur pensant à une erreur a transformé en Norman Bean.
Il propose un héros, l’archétype de l’Anglo-Saxon, fort de sa supériorité d’homme blanc qui lui donne le devoir de civiliser les autres peuples décadents.
Un dossier fort documenté, à l’iconographie pertinente, de Patrice Louinet complète l’album.
Francesco Biagini signe un dessin assez spectaculaire même pour la représentation des humains. Les nombreuses actions sont rendues avec le dynamisme qui sied aux combats. La mise en images des Martiens, des décors sur la planète rouge nécessitent une belle imagination. Une mise en page éclatée, certaines planches très peuplées donnent à ce récit une tonalité bien particulière.
La princesse Dejah Thoris a été l’héroïne de très nombreux albums, de séries diverses et variées où elle apparaissait très légèrement vêtue de quelques minuscules morceaux de tissus, bijoux et armes. Pour l’instant, le choix des auteurs est tout autre et elle se déplace avec une vêture complète… sauf dans le rêve du héros.
La mise en couleurs de Hiroyuki Oshima et de The Tribe souligne harmonieusement les actions et l’atmosphère qui règne.
Une belle adaptation d’un maître ès–scénarii, servi par une mise en images audacieuse donnent à cet album un fort intérêt.
serge perraud
Jean-David Morvan (scenario d’après l’œuvre d’Edgar Rice Burroughs), Francesco Biagini (dessin), Hiroyuki Oshima et The Tribe (couleur), La Princesse de Mars — Première partie, Glénat, coll. “24x32”, octobre 2023, 64 p. — 15,50 €.