Faire pulser sang et sens : Bianu, le maîtres des anges
Comme le rouleau de Kerouac, Zéno Bianu dévide son ruban d’existence “à même le flux du vivant”. Et à l’image de l’auteur de Sur la Route, il ne traîne pas. Ce qui n’empêche pas des exercice de célébration qui nécessitent la lenteur afin que les mots échappent à la mort par la magie qu’il crée.
C’est “le message secret du souffle” que Bianu révèle en ses mots où il mêle ses vies et ses visages — et même si chaque moment se déroule “en mourant sa vie / en vivant sa mort”.
L’existence n’a pourtant rien d’un labyrinthe. Elle ressemble plutôt à “un bol de cerises juteuses” dont la sève rejoint le Cosmos. Si bien qu’entre l’être et le monde, les mots dans leur magie font avancer “là où les morts n’ont plus prise” et la vie une vallée de larmes où la camarde règne dans le même paragraphe. Y crépite la lumière pour atteindre une sorte de salut “plus loin que les ravins de la / mort”.
Au sein du réel comme au milieu des nuées qui égarent parfois l’être, chaque instant peut devenir une source des étincelles. C’est pourquoi ici chair et mots en leur douceur permettent au sang comme au sens de pulser.
Mais il faut pour cela un “surcroît d’amour” avec son feu et sa fougue afin que être et cosmos, avant de s’éteindre, s’avancent encore en se moquant des abîmes même s’ils s’ouvrent sans cesse. Mais que la vie demeure reste l’injonction de Bianu et ce, dans “l’éperdument charnel / frotté au souffle du tempo” mais pas n’importe lequel : celui qui déchire la nuit de l’être, autant par les “infrarouges” de l’instinct de vie que par “l’ultraviolet /des transfigurations”. C’est ce que la poésie de Bianu propose. Son écriture la porte à un paroxysme.
De l’infinitésimal du monde comme du cosmos, elle crée une absolue perception et permet de franchir bien des paliers. D’où ce chant vertigineux pour la nature humaine dans son périmètre qui apparemment ne peut jamais aller plus loin. Ce qui n’empêche pas d’en habiter l’espace.
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jean-paul gavard-perret
Zéno Bianu, Les Anges récidivistes, Gallimard, coll. Blanche, Paris, 2024, 128 p. — 16,00 €.