Pascal Quignard, Compléments à la théorie sexuelle et sur l’amour

De l’amour — enfin presque

La sexua­lité est ici ciel ouvert dans la vérité d’une fable et c’est comme si elle en redou­tait les pro­fon­deurs. D’autant que ce qu’écrit l’auteur n’est pas des fan­tas­ma­go­ries. Jaillissent des traces qui deviennent nos clar­tés. Et ce, même si corps sexué est par­fois obs­curci de la mémoire.
Dans ce livre Pas­cal Qui­gnard pour­suit sa recherche de tou­jours et qu’il avait enta­mée avec ses Petits Trai­tés. Comme tou­jours pour expri­mer  le sexe en sa vérité, l’auteur revient aux anciens Grecs et Romains. Il inter­roge  à tra­vers eux l’enfance, le som­meil, la jouis­sance fémi­nine, les fan­tômes, les héros, les sirènes ou encore com­ment la vie intra-utérine se pro­longe dans la vie atmo­sphé­rique sans y trou­ver de fin.

Se mêlent ici moins des figures de hasard que des manières de traces où l’auteur tente de se déga­ger de faux-fuyants, reflets dou­teux, signes men­teurs, mémoire obs­cur­cie et rumeurs. Le tout dans la vérité de fables réflexives, sexua­li­sées — et pour cause — à ciel ouvert. Elles ne redoutent pas ce qui clame des pro­fon­deurs, même lorsque l’esprit dou­ce­ment s’endort.
Ces notes comme jetées visent pour­tant l’essentiel en taci­turnes runes des éclats épars de la vie sexuelle. Emane une sore d’autobiographe mais sans affir­mer de qui ou quoi. La vie sexuelle est ici dans l’infra-langue qui efface les traces plus qu’elle ne les montre.

Mais il s’agit come tou­jours avec Qui­gnard d’interpeller le silence de ce sujet et tout autant ceux qui ne savent pas l’entendre. Le tout autant en un train de pen­sées que dans des fusées de sen­sa­tions que les vivants n’auront jamais eu la force de rompre tant ils prient entre angoisse et jouis­sance où l’inconscient se cache.
Et c’est ce qui tient Qui­gnard dans une forme de gaieté grave pour aus­cul­ter l’innommable. Il bon­dit dans l’ombre pour y trou­ver appui. Nous sommes avec lui tou­jours dans la marge des paroles, au bord de l’effacement. Et ce, dans une langue en peine de paroles pour le chant pro­fond du corps depuis l’enfance jusqu’à divers accom­plis­se­ments plus ou moins ratés.

jean-paul gavard-perret

Pas­cal Qui­gnard, Com­plé­ments à la théo­rie sexuelle et sur l’amour,  Le Seuil, coll. Fic­tion & Cie, 2024, 368 p.- 16,00 €.

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